Cours N° 4



L’enseignement du Bouddha originel



De la transmission de la Loi dans la Nichiren Shoshu



Nous allons aujourd’hui traiter, autant que faire se peut, du délicat sujet de la transmission de la Loi à la personne unique dans notre école. C’est un sujet que l’on m’a demandé mais, étant donné que la transmission se fait, comme son nom l’indique, à une unique personne, les autres personnes, moines et laïcs, n’ont pas accès à son contenu. Nous ne pouvons donc en dire que ce que les Souverains de la Loi successifs ont bien voulu nous transmettre, et il ne peut se faire que le premier irréfléchi venu, moine ou laïc, se voit autorisé à porter un jugement définitif sur un sujet qu’il ne peut en aucun cas maîtriser. Ce cours va donc constituer en une lecture des documents en ma possession et, contrairement à mon habitude, je vais minimiser au maximum mes apports personnels. Toutes les citations que je ne référencerai pas proviendront de l’actuel Souverain de la Loi, Nikken Shonin, mon maître.

En premier lieu, nous allons éclairer la logique sur laquelle se fonde la transmission dans notre école. « A l’origine, l’enseignement du chapitre Durée de la vie rend compte du fait que la Loi du Bouddha est éternelle, comme le monde infini des phénomènes… Faire naître une profonde croyance envers l’enseignement de la doctrine essentielle, c’est-à-dire en l’essence inconcevable de l’indestructibilité de la vie, et en avoir la compréhension, est correct »

Ceci constitue une des bases de réflexion que nous devons adopter : la Loi et les êtres sont sans commencement ni fin. L’essence de toute vie est indestructible. De ce point de vue élevé, il est clair que dire « je vois » ou « je ne vois pas », « il y a » ou « il n’y a pas » n’engage que le sujet et, plus particulièrement, son état de vie. Or, nous n’avons pas vocation à privilégier inconsidérément les élucubrations des êtres des neuf premiers mondes.

Nous lisons dans le sutra du Nirvana, le dernier enseignement du vénéré Shakya : « Fidèles disciples, lorsque vous pratiquez et étudiez, vous devez sans cesse penser au Bouddha, au Dharma et au Moine. Ces trois lois n’ont pas un aspect différent, elles n’ont pas l’aspect de l’impermanence, ni l’aspect de la mutation ». Shakyamuni déclare donc à la fin de sa vie que les trois trésors que sont le Bouddha, la Loi et le Moine sont un, qu’ils « n’ont pas un aspect différent », que c’est une seule chose, et qu’ils sont absolument permanents et non mutables. Ils restent donc à l’identique, sans commencement ni fin. Le commentaire déclare : « Cette phrase enseigne l’immutabilité des trois trésors. Ceux qui portent un avis différent, pensant à leur bon plaisir que les trois trésors sont impermanents ou impurs, tournent d’eux-mêmes le dos aux trois trésors et se retrouvent sans support sur la voie bouddhique ». Le fait d’estimer que les trois trésors n’existent pas, ou qu’il y a eu interruption de la transmission, alors que ceux-ci sont permanents, est une vue personnelle qui entraîne l’absence de support sur la voie. « Le sutra du Nirvana expose clairement l’omniprésence de la nature du Bouddha et l’immutabilité du corps du Bouddha ». Ceci constitue le point de départ sur lequel une réflexion peur se constituer.

Dans le chapitre Durée de la vie, le Bouddha Shakyamuni enseigne : « Ma terre pure est indestructible. Pourtant les êtres la voient brûler entièrement et se plaignent, s’effraient de la profusion des diverses souffrances. Ces êtres aux multiples fautes, par la conditionnalité de leurs mauvais actes, même après un éon, n’entendent pas le nom des trois trésors. Ceux qui pratiquent l’ensemble des diverses œuvres et vertus et dont la nature est docile et droite, voient que mon corps est présent ici et qu’il enseigne la Loi… Ma vie dure d’incommensurables éons et peut être obtenue après avoir pratiqué les actes longtemps ». Ce n’est donc que la causalité personnelle des êtres qui fait qu’ils ne peuvent ni entendre ni voir les trois trésors, alors que les êtres qui développent une nature docile et droite voient que le corps du Bouddha est présent en permanence et enseigne la Loi.

« C’est pourquoi le Bouddha Originel est présent en permanence pour sauver les êtres. Pourtant ceux-ci, bien que les trois trésors soient présents, les nient et, non seulement n’essaient pas de les entendre, mais ne peuvent même pas les voir ». Nous avions étudiés, dans les cours antérieurs, que l’enseignement du Bouddha est la voie de la vue et que le fait d’entendre, de ne pas rejeter par incroyance et de garder en soi les objets désignés par le Bouddha, permettait de s’y éveiller, c’est-à-dire de les voir. Ces êtres, à cause de leur « mauvais karma », non seulement n’essaient pas de les entendre mais ne peuvent les voir. Les trois trésors sont permanents mais la personne, selon ses racines, verra ou ne verra pas qu’ils existent.

«  C’est parce que les trois trésors du Bouddha, de la Loi et du Moine de l’ensemencement sont présents que les trois grandes Lois ésotériques de Nichiren Daishonin pourront être préservées éternellement. Là où l’on nie ou rabaisse ces trois trésors, il ne peut plus s’agir du bouddhisme de Nichiren Daishonin ». Messieurs les esprits frileux, la balle est dans votre camp. Faites un choix ! En outre, puisque ces rois trésors sont présents, ils sont nécessairement en permanence. Au Japon, et en France peut-être aussi, diverses écoles récitent le Daimoku (Nam Myoho renge Kyo), mais le Daimoku « que l’on récite à sa guise », en étant séparé du Honzon (Objet fondamental de vénération), ne représente en aucune façon le Daimoku enseigné par Nichiren Daishonin. Le corps du Daimoku et le corps du Honzon ne peuvent exister que lorsqu’ils se fondent avec celui de l’Estrade des préceptes. C’est ainsi que sont établies les trois grandes Lois ésotériques de Nichiren Daishonin ». Il faut donc que le Honzon et le Daimoku se fondent sur cet axe prioritaire qu’est l’Estrade des préceptes, dernière grande Loi ésotérique établie par le Daishonin dans les dernières années de sa vie. Ce n’est que dans ces conditions que réciter Daimoku a une incidence.

Quelles sont ces trois grandes Lois ésotériques ?

« Lorsque le Bouddha, de par son immense compassion, désire sauver les êtres de leurs souffrances grâce à son éveil ultime, il se force à expliquer par des mots le contenu et l’essence de son éveil. Or, même s’il l’explique par des mots, fondamentalement, il explique uniquement le nom de son ainsité véritable absolue, et ce nom est Myohorengekyo ». Le Bouddha donne donc aux êtres la qualité même de son état sous une forme phonétique. « Lorsque cette ainsité véritable absolue est gardée dans le cœur du Bouddha Originel c’est Myohorenge, Loi unique, inconcevable, de la simultanéité de la cause et de l’effet. Lorsqu’elle est présentée sous la forme du Honzon de l’unicité de la Personne et de la Loi…c’est Myohorengekyo ». Lorsque le Bouddha montre, ou exprime la Loi du point de vue de la pratique, le caractère « kyo » est incorporé, c’est pourquoi cela devient la pratique en tant que Myoho Renge Kyo. « Puis, grâce à sa pratique de Myoho Renge Kyo, le Bouddha obtient l’éveil immédiat et réalise l’état de vie de la substance de l’unicité de la Personne et de la Loi. A ce moment, le Honzon contenant l’intégralité des trois grandes Lois ésotériques est réalisé… Ce qui montre parfaitement et réellement la nature et l’état de vie du Bouddha… c’est le Honzon de la doctrine originelle (1° grande Loi ésotérique). Ce qui indique sa pratique, c’est le Daimoku de la doctrine originelle (2° grande Loi ésotérique) ; Le lieu où la substance même des diverses pratiques permet la réalisation et l’apparition des œuvres et vertus de l’éveil dès ce corps, est l’Estrade des préceptes de la doctrine originelle (3° grande Loi ésotérique). Ces trois éléments sont présents dans Myohorengekyo ». Il y a donc le Daimoku, le Honzon et, pour compléter les trois grandes Lois ésotériques, quelque chose de mystérieux pour l’instant qui est l’Estrade des préceptes, que le Daishonin a institué vers la fin de sa vie comme étant ce qui devait soutenir les deux premières grandes Lois ésotériques. Si l’on sépare l’une des trois, les trois n’existent plus.

Brigitte : Il me semble que tout le monde, parmi les pratiquants, ne partage pas ce point de vue

Certes ! Et à mon avis la cause en est l’orgueil. Le fait d’accepter d’avoir un maître est la condition première de l’obtention de l’éveil. Il s’agit de l’importante relation maître à disciple, où le « moi » fugitif et étroit n’est plus le maître. Par contre, si l’on ne suit pas un maître, il n’est plus que la jungle luxuriante des idées personnelles, et dans ce cas c’est l’égarement sur la voie. Cela concerne tous les esprits immatures qui s’estiment être directement reliés à dieu, au Bouddha ou à « l’univers ». L’orgueil est, dans ce cas, une lâcheté intellectuelle. Il s’agit en outre, quant au Maître de la Loi, de s’attacher à l’homme le plus profond qui soit et ceci constitue le courage véritable. Le grand maître Miao Le a en effet déclaré : « Le Bouddhisme est vaste comme l’océan. Seul l’homme courageux ose s’y plonger ». Quant à ceux qui espèrent rester sur la surface de l’eau, ils font montre d’une pensée dérisoire.

« C’est avec les cinq caractères de Myoho Renge Kyo qu’est formé le Honzon, lieu dans lequel les êtres prennent refuge pour devenir Bouddha dès ce corps… A la source première du bouddhisme de l’origine du passé infini, le premier Nam Myoho Renge Kyo récité par le Bouddha éveillé à la Loi merveilleuse est le Daimoku de la doctrine originelle propagé dans l’ère finale par notre fondateur Nichiren Daishonin ». Il est donc dit que la source originelle du bouddhisme est le premier Daimoku récité par le Daishonin en avril 1253. Ce qui peut sembler bizarre dans la mesure où le vénéré Shakya a délivré ses cinquante années d’enseignement près de deux mille ans auparavant. Mais dans la doctrine de l’école, l’origine du bouddhisme a été révélée en 1253 par Myoho Renge Kyo. Et ce, bien que cette origine semble intervenir bien après l’enseignement du premier Bouddha historique.

Brigitte : Qui lui-même récitait Nam Myoho renge Kyo.

Bien sûr. Car la pratique, c’est-à-dire l’action même du Bouddha, Nam Myoho Renge Kyo, est la même dans les trois phases du temps. Il en va du reste pour tout ce qui est, les actes sont l’état intérieur.

« Nam Myoho Renge Kyo est le corps de la Loi inconcevable, dépassant les notions de temps et d’espace, où la Personne et la Loi sont uniques. Si on le considère du point de vue de la pratique et de l’attestation véritables, Nam Myoho Renge Kyo représente l’éveil immédiat à l’origine du passé infini. Parce que la doctrine principale est identique à la substance inconcevable, le Daimoku est l’origine du passé infini. Parce que la substance est identique à la doctrine principale inconcevable, il est la loi merveilleuse de l’objet et de la sagesse existant à l’origine et demeurant en permanence ».

Dans le chapitre Durée de la vie du Lotus le vénéré Shakya déclare : « A l’ origine, j’ai pratiqué la voie de bodhisattva ». Pour indiquer l’origine de son éveil, dans le passé lointain, Shakyamuni explique qu’il a pratiqué la voie de bodhisattva. Or, s’il a pratiqué la voie il y a un temps infini, c’était en suivant une Loi sous la direction d’un maître, puisqu’il y a toujours la Personne s’il y a une Loi. Quelle est donc cette Loi, à l’origine du passé infini, que Shakyamuni pratiquait afin de développer les vertus de bodhisattva ?

Le Daishonin enseigne à ce propos : « Il s’agit du Honzon, de l’Estrade des préceptes et des cinq caractères du Daimoku du chapitre Durée de la vie que pratiqua Shakyamuni au commencement pour obtenir et attester de l’aspect véritable, et qu’il tint secret depuis le début de son premier éveil jusqu’au chapitre Sortie de terre, où il écarta sommairement le proche pour mieux manifester le lointain ». Le Daishonin affirme donc que la pratique du Bouddha Shakyamuni dans le passé lointain, alors qu’il était bodhisattva, était la récitation du Daimoku devant le Honzon, en liaison avec l’Estrade des préceptes. Le Honzon, le Daimoku et l’Estrade des préceptes sont donc antérieurs et postérieurs au Bouddha Shakyamuni. Ces trois grandes Lois ésotériques ont été tenues secrètes par Shakyamuni du jour de l’obtention de l’éveil premier, à Gaya, à l’âge de trente ans, jusqu’au moment où, dans le chapitre Durée de la vie, il commence à révéler l’origine de son éveil. C’est là que commencent à apparaître, en filigrane, le Honzon, le Daimoku et l’Estrade des préceptes.

Dans le quatorzième chapitre du Lotus Shakyamuni déclare : « Dans les âges de la fin de la Loi, celui qui gardera ce sutra… », aura telles et telles qualités. Et au début du quinzième chapitre, ses disciples, devant le stupa précieux et le Bouddha Taho, disent à Shakyamuni : « Si vous le souhaitez, Vénéré du monde, nous propageront cette loi largement dans cette période des âges de la fin ». A ce moment, Shakyamuni leur déclare que ce n’est pas la peine parce qu’il a, sur cette terre, des milliers de disciples qui sont prêts et qui pourront assumer cette propagation de la Loi dans le futur. A ce moment, la terre se déchire et, de ses entrailles surgissent des milliers de bodhisattva de noble allure dirigés par Jogyo, Muhengyo, Jogyo et Anrugyo. Les disciples de Shakyamuni, étonnés de voir cette foule de bodhisattva inconnus dotés de vertus supérieures, se disent : « Le vénéré Shakya a atteint l’éveil parfait sans supérieur à Gaya, il y a un peu plus de quarante ans, comment a-t-il put convertir et diriger une foule aussi nombreuse de grands êtres ? » Shakyamuni, connaissant leur pensée, leur répond alors : « J’ai éduqué ces êtres depuis le passé infini ». Et, dans le seizième chapitre, Shakyamuni déclare enfin : « En réalité, un temps incommensurable s’est écoulé depuis que je suis devenu Bouddha » ; Notons que la doctrine du Bouddha Originel commence à apparaître, à travers le rejet par Shakyamuni de l’immédiat : son éveil à Gaya, pour montrer l’extrêmement lointain : l’origine de son éveil. Donc, grâce à l’apparition des bodhisattva sortis de terre Shakyamuni peut ainsi prouver l’immensité de la durée de sa vie. Ne pouvant révéler directement la Loi de l’origine du passé, Shakyamuni l’indique comme étant ce dont il provient, en tant que Bouddha.

« Les bodhisattva sortis de terre, disciples de Shakyamuni depuis l’hors du temps, apparaissent en tant que trésor du Moine et jouent un rôle important dans l’obtention de la voie des êtres de l’époque ». En effet, ses disciples, voyant les bodhisattva sortis de terre, réalisèrent qu’effectivement le Bouddha est éternel. « La foi et la compréhension de la doctrine essentielle des êtres de l’époque ne dépendit pas uniquement de la révélation, par Shakyamuni, de son immutabilité éternelle, mais également de l’immutabilité des bodhisattva sortis de terre, autrement dit, de la révélation de la voie du maître et de ses disciples dans l’hors du temps, fondée sur la cause et l’effet originels ». La présence des bodhisattva sortis de terre et de leurs quatre dirigeants, auprès du stupa précieux dans lequel étaient les Bouddha Shakyamuni et Taho, a montré l’aspect, pour les disciples de Shakyamuni, du Honzon devant lequel nous pratiquons.

Nancy : Ah !

En effet. Le corps des êtres apparus en cette occasion a servi pour modéliser le Honzon, que nous avons, nous, sous une forme plane. Mais il s’agit bien de la même cérémonie et ceci a permis aux êtres de l’époque de s’éveiller à Myoho Renge Kyo puisque le Honzon était matérialisé.

« C’est en recevant et en croyant en ces trois trésors de la doctrine essentielle que les êtres de l’époque de Shakyamuni purent recevoir ce qui accompagne le trésor du Moine de la doctrine essentielle ». Nous avons vu que les bodhisattva sortis de terre représentaient le trésor du Moine. Or, ce trésor du Moine permettant de montrer le Honzon, l’expression « ce qui accompagne le trésor du Moine » désigne nécessairement Myoho Renge Kyo. Les êtres de l’époque de Shakyamuni, après avoir pratiqué les austérités durant de nombreuses années, en revinrent au fait de nommer Myoho Renge Kyo, éveil immédiat dès ce corps. Ils sont revenus au degré de dénomination, au fait de nommer, car toutes leurs pratiques successives n’y avaient pas abouti.

Les bodhisattva sortis de terre permirent donc aux êtres de l’époque de Shakyamuni de s’éveiller à Myoho Renge Kyo, mais il y a un autre point important, celui de la transmission à la personne unique. En effet, au vingt et unième chapitre du Lotus le stupa précieux est toujours dans les airs, Shakyamuni et Taho sont toujours à l’intérieur, les bodhisattva sortis de terre sont à leur coté. A ce moment, il y a la transmission de l’essentiel, il s’agit de la transmission particulière de Shakyamuni à Jogyo et à ses disciples, dite transmission à l’intérieur du stupa. Ensuite, dans le vingt deuxième chapitre, Shakyamuni se lève de son siège et, à ce moment, la transmission générale de la doctrine est effectuée à tous, aussi bien aux bodhisattva sortis de terre qu’aux disciples de Shakyamuni. Il s’agit de la transmission à l’extérieur du stupa. Il y a donc deux transmissions de la doctrine essentielle, celle à l’intérieur ne concerne que les bodhisattva sortis de terre, l’essentiel est alors transmis, et celle à l’extérieur est effectuée à tous les disciples, il s’agit de l’ensemble de la doctrine hormis les trois grandes lois ésotériques. Ce double aspect de la transmission se retrouvera tout au long de l’existence de notre école. Il y aura toujours une transmission générale de la doctrine qui sera donnée aux moines et aux laïcs, et une transmission de l’essentiel qui sera effectuée, comme dans le stupa entre Shakyamuni et Jogyo, à la personne unique. Telle est la transmission, dans ce que l’on peut en savoir.



Le Bouddha originel, Nichiren Daishonin à écrit : « Il y a plus de deux mille ans, Nichiren reçut, en tant que guide des bodhisattva sortis de terre, la transmission orale de ces trois grandes Lois ésotériques du fondateur, le vénéré du monde au grand éveil ». Il a également déclaré : « Nichiren, ayant reçu la transmission de la loi ésotérique de la plus grande importance du vénéré Shakya au Pic du Vautour, la garde dans sa poitrine, dans son corps. Sa poitrine est le lieu de l’atteinte du Nirvana de tous les Bouddha. Sur sa langue est le lieu de son premier prêche, sa gorge est le lieu de sa naissance et sa bouche, le moment de l’atteinte de l’éveil. C’est le lieu où demeure le pratiquant inconcevable du sutra du Lotus. Comment ce lieu peut-il être inférieur au Pic du Vautour ? Puisque la Loi est merveilleuse, la Personne est respectable. Puisque la Personne est respectable ; le lieu est honorable ». Concernant « la loi ésotérique de la plus grande importance », elle « désigne l’entité du Gohonzon de la doctrine originelle depuis le passé hors le temps, qui est l’origine fondamentale de sutra du Lotus du dessous des phrases ». Cela signifie que si l’on creuse au fond des phrases du Lotus, on trouve le Honzon, antérieur et postérieur au Lotus.

Nous lisons en effet : « La transmission qu’a reçue le Daishonin est plus ancienne que les enseignements mêmes du vénéré Shakya. Il s’agit de la transmission de la substance de la loi du passé infini par la transmission de l’essentiel ». La transmission de l’essentiel n’est donc pas quelque chose qui remonte à la création de notre école en mille deux cent cinquante trois, c’est un fait qui existait déjà entre Shakyamuni et Jogyo, et qui s’est perpétué jusqu’à nos jours. C’est une réalité qui existait, en fait, bien avant Shakyamuni. En effet : « Dans divers écrits de Nichiren Daishonin on peut lire que les trois grandes Lois ésotériques existent depuis le passé infini. Dès lors, la transmission de l’essentiel, opérée au chapitre Durée de la vie, ne consiste pas simplement en la transmission du Daimoku, il s’agit de la transmission du Honzon, sous la forme de la substance de la Loi. Du point de vue de la pratique personnelle du Bouddha, il s’agit de la transmission du Daimoku de la doctrine originelle. Du point de vue de la Personne, il s’agit de la transmission de la capacité à être considéré comme le Honzon, à la substance du bodhisattva Pratique Supérieure ( Jogyo ) apparu dans la période de la fin de la Loi ». La transmission de l’essentiel, du point de vue de la pratique personnelle, c’est le Daimoku, c’est-à-dire la Loi, mais du point de vue de la Personne c’est la capacité à être considéré comme le Honzon. C’est-à-dire que le propre corps du Daishonin est le Honzon.

Le Bouddha originel écrit : « Ce que pratique à présent Nichiren ne diffère en rien de ce qui a été transmis sur le mont sacré du Pic du Vautour. Il s’agit des trois grandes choses du chapitre Durée de la vie en leur réalité, sans que même la forme ne varie ». Deux mille cinq cents ans après la cérémonie dans les airs, la forme est la même. Ce qui permet au grand maître Zhiyi d’affirmer fortement : « L’assemblée ne s’est pas encore dispersée ». Ce qui montre à l’évidence la grandeur de son état de vie. Nichiren écrit également : « Nichiren, sans l’ombre d’un doute, a reçu la transmission orale. Le Honzon est la substance du corps du pratiquant du sutra du Lotus ». Et, du reste, quelques jours avant son extinction le Daishonin a dit, en substance : « Etrangement, lorsque je contemple le reflet de mon corps dans une mare, je vois le Honzon ».

Dans le traité sur la transmission sanguine le Daishonin écrit : « Nichiren est (celui qui peut dire) ‘Moi seul suis l’unique respectable dans le ciel et sur la terre’ dans le passé infini. Le passé infini est l’origine, le présent est l’éphémère. Nichiren, présent en permanence dans les trois phases, fait naître le bienfait au degré de dénomination ». Il affirme donc que son propre corps est permanent, que son enseignement est également permanent, que le passé infini est l’origine et que le présent est l’éphémère. Cela nous donne donc le moyen de relativiser les choses qui nous arrivent ! Il fait naître le bienfait au degré de dénomination, ce qui signifie que grâce à lui, nous, les êtres abrutis et hébétés errant dans les six voies, pouvons produire l’effet de l’éveil ultime simplement en récitant Nam Myoho renge Kyo. Cela correspond bien sûr à l’ascèse de la pratique matin et soir, où nous remettons en cause le « moi-moi » et le « je-je » en essayant de soulever cette chape de plomb qui nous caractérise à l’ordinaire. Il s’agit de se séparer momentanément de ces vieilles habitudes traçant notre passé et notre futur et, d’un côté c’est facile puisqu’il ne s’agit que de nommer la Loi, de l’autre c’est difficile parce que sur vingt ou trente ans c’est véritablement une ascèse où l’on donne sa vie sans la ménager. Puis vient le temps où l’on réalise physiquement la non dualité de l’ascèse et de notre nature innée, et les choses vont bien mieux.

Dans les vers « Jiga » du Lotus Shakyamuni enseigne : « Depuis que j’ai obtenu d’être Bouddha, le nombre d’éons qui se sont écoulés est d’innombrables milliers de millions de myriades de milliards de quantités incalculables ». Le commentaire, tenant compte de l’enseignement du Bouddha originel, est le suivant : « Du point de vue du profond des phrases, on comprend que ce passage du sutra traite de l’enseignement permanent à travers les trois phases, depuis son obtention de la voie présente à l’origine depuis le sans commencement de Nichiren Daishonin, corps de rétribution du passé infini qui de lui-même reçoit et emploie… L’enseignement de Nichiren Daishonin, Bouddha originel de l’ensemencement, est permanent à travers les trois phases, c’est-à-dire qu’il existait dans le passé infini et, en même temps, apparaissait dans la fin de la Loi ». Il y a donc deux aspects : l’enseignement du Bouddha originel est permanent dans les trois phases, et en même temps il est apparu au Japon en douze cent cinquante trois. Cet enseignement a toujours été la matrice de l’éveil, la racine de l’enseignement de tous les Bouddha des trois phases. Voici ce qui en est dit dans notre école.

Dans son traité sur la doctrine de la corporéité, le Daishonin écrit : « Le principe ultime n’avait pas de nom. Lorsque le saint, observant le principe, nomme toutes les choses, il voit la Loi inconcevable de la simultanéité de la cause et de l’effet. Il le nomme alors Myoho Renge… Parce que le saint, prenant cette Loi pour maître, pratique les austérités et s’éveille à la Voie, il ressent et obtient simultanément la cause merveilleuse et l’effet merveilleux. Il devient alors l’Ainsi venu a l’effet parfait de l’éveil merveilleux ». A l’origine du passé infiniment lointain, lorsque le Bouddha est un être ordinaire, il « pratique les austérités avec, comme maître, la Loi merveilleuse de la simultanéité de la cause et de l’effet. Il obtient alors l’état de vie dans lequel il croit et comprend le trésor de la Loi qui est la Loi inconcevable de la simultanéité de la cause et de l’effet. Dans cet état de vie, il pratique de sa propre volonté le principe du monde de la Loi même, qui représente pour lui la corporéité de la Loi merveilleuse, sans qu’il y ait la moindre différence. Cette pratique est ? telle quelle, celle exprimant son témoignage intérieur. C’est-à-dire qu’il est alors le trésor du Moine. Puis, immédiatement, parvenant à la Loi inconcevable de la simultanéité de la cause et de l’effet, il ouvre sur le champ l’éveil du Bouddha de l’ensemencement de la cause originelle enveloppant la cause et l’effet merveilleux. C’est-à-dire qu’il est le trésor du Bouddha dans le bouddhisme de l’ensemencement de la cause originelle, qui représente l’état de vie du Bouddha de l’effet originel. Le Daishonin est apparu en transposant le corps de la Loi de l’instant originel hors du temps, dans la période de déclin, et, de là, il est en lui-même le trésor de la Loi, le trésor du Bouddha et le trésor du Moine ». Autrement dit, Nichiren Daishonin est les trois corps du Bouddha de l’instant originel hors du temps. Ceci ne souffre aucune objection, surtout si l’on se veut pratiquant de l’enseignement du Bouddha Originel.

Dans le traité sur la transmission sanguine, Nichiren écrit : « La Loi merveilleuse existant à l’origine, non produite, est le corps de rétribution qui reçoit et emploie de lui-même dans le moment originel hors du temps ». Le « corps de rétribution qui reçoit et emploie de lui-même », c’est le corps du Bouddha en terme de sagesse. C’est la sagesse fusionnant avec le corps de la Loi du Bouddha. A ce propos, Nichikan Shonin a écrit : « Le corps qui reçoit et emploie de lui-même est le trésor du Bouddha ; la Loi merveilleuse existant à l’origine et non produite est le trésor de la Loi ; la transmission principale représente le trésor du Moine. Le Bouddha, la Loi et le Moine du moment originel hors du temps sont apparus dans la période de déclin de la Loi et nous font obtenir des bienfaits ». Ce sont donc les trois trésors du moment originel hors du temps qui sont apparus au Japon. Ces trois trésors constituent la matrice de tous les enseignements bouddhiques. Que nous placions, nous les humains, Shakyamuni à telle époque, Nichiren à une autre et notre propre existence ici ou là, fausse nécessairement la perception que nous devrions avoir de notre réalité de pratiquants de la Loi merveilleuse. La vue humaine usuelle est en effet dramatiquement bornée !

« Les trois trésors de l’ensemencement de la doctrine originelle forment le Corps de la Loi immuable depuis l’instant originel hors du temps… Le sens ultime du chapitre Durée de la vie de l’ensemencement est la présence immuable des trois trésors de l’ensemencement… Il est inutile de discourir plus longtemps sur le fait que Nikko Shonin est l’unique trésor du Moine. Toutefois, la transmission principale qui eu lieu au moment originel hors du temps représente le corps de la transmission entre Nikko Shonin et Nichimoku Shonin ». La transmission du Corps de la Loi s’est donc toujours effectuée. « La transmission des enseignements oraux de Nichiren à Nikko et de Nikko à Nichimoku est la même que la transmission qui eu lieu dans le stupa précieux où le Bouddha Taho était assis ».

« Dans le Bouddhisme de la merveille de l’effet originel, Shakyamuni et les bodhisattva sortis de terre représentent la permanence des trois trésors, alors que dans le bouddhisme de la merveille de la cause originelle, immuable à travers les trois phases, les trois trésors fondamentaux sont bien sûr immuables, mais également sont inséparables dans la transmission sanguine des maîtres de la Loi successifs. Là réside la profondeur subtile de l’immutabilité à travers les trois phases dans le bouddhisme de l’ensemencement ». Que signifie le fait que ces trois trésors de l’ensemencement sont, bien sûr, immuables, mais également inséparables au sein de la transmission sanguine ? Le Dai Gohonzon est transmis à la Personne unique, qui devient ainsi l’unique détentrice du Corps de la Loi. Cela ne se passe pas de la même manière que lorsque vous passez un sac de linge à quelqu’un. Celui qui reçoit la transmission de l’Objet fondamental est forcé de muer, d’abandonner son propre corps. C’est-à-dire qu’il perd son « enveloppe » ou, en d’autres termes, qu’il fait tout pour que sa propre personne soit la Loi. Ainsi la Personne unique peut-elle recevoir la transmission de l’Objet fondamental.

Brigitte : Il est contraint d’atteindre l’éveil ?

Ah ! La belle contrainte. A mon avis, il fait probablement comme nous, mais plus vite. C’est parce que la Personne devient la Loi, qu’elle est le réceptacle unique et peut ainsi diriger la propagation de la Loi. Gardons à l’esprit qu’une Loi antérieure aux phénomènes ne peut être qu’une Loi provisoire. Car tous les phénomènes sont Myoho Renge Kyo.

Nancy : Comment sont-elles choisies ?

On y arrive doucement. Enfin, on va essayer de tourner autour mais ce domaine nous échappe.

Essayons à présent de traiter de l’Estrade des préceptes. La Loi merveilleuse, Nam Myoho Renge Kyo, fut révélée en mille deux cent cinquante trois et le Dai Gohonzon fut inscrit en mille deux cent soixante dix neuf. Ce sont les deux premières grandes lois ésotériques à apparaître dans notre monde. « Cependant, en ce qui concerne l’Estrade des préceptes de la doctrine essentielle, il n’y a pratiquement aucune indication dans le Gosho (écrits du Daishonin)… La doctrine profonde des trois grandes Lois ésotériques, exprimant complètement la signification originelle de l’estrade des préceptes de la doctrine essentielle, représente la grande loi apte à guider tous les êtres pour l’éternité de la période de déclin de la Loi. Et, en même temps, cette profonde doctrine des trois grandes lois ésotériques, en particulier celle de l’Estrade des préceptes, fit l’objet de la transmission à la Personne unique du deuxième fondateur Nikko Shonin ». Dans l’écrit du transfert du Mont Minobu, le Daishonin écrit : «  Je transfère les cinquante années du prêche du Vénéré Shakya à Byakuren Ajari Nikko. Il sera le prêtre supérieur du temple Kuonji du Mont Minobu ». Il écrit encore : « Je transmet à Byakuren Ajari Nikko la Loi que j’ai propagée tout au long de ma vie. Il sera le grand guide de la diffusion de la doctrine originelle ».

Pendant un certain temps, dans l’esprit de quelques pratiquants laïcs, le lieu de l’Estrade des préceptes, c’est-à-dire l’endroit où est enchâssé le Dai Gohonzon et où tous les êtres du monde peuvent se recueillir, était un bâtiment. Ils se sont donc empressés de le construire en disant au monde : « Mesdames et Messieurs, on vient d’ériger la troisième grande Loi ésotérique et nous réalisons, par là-même, le grand vœu du Daishonin ». Ce qui constitue une affirmation complètement dénuée de sens, s’il en est. En effet, « Pourrait-il y avoir l’établissement d’une Estrade des préceptes sous la forme d’une simple formalité sans esprit ? Si c’était le cas, il n’y aurait aucune raison pour que Nichiren Daishonin nous la laisse en tant que plus importante doctrine de sa vie. Il faut considérer ce problème avec sérieux ». Lors, il convenait de museler de toute urgence les imaginaires prosaïques de ces laïcs !

Il n’y a donc pratiquement pas d’informations dans les écrits du Daishonin. Nichiren transmet cette doctrine uniquement à Nikko Shonin et seuls les Souverains de la Loi successifs la connaissent. Mais il ne peut en aucune manière s’agir d’un bâtiment sans esprit. Et si Nichiren a attendu la fin de son existence en ce monde pour la transmettre uniquement à Nikko Shonin, c’est que cela devait rester secret. La perpétuation, dans l’avenir infini, de l’enseignement du Bouddha originel repose sur cette Estrade des préceptes. En effet, car c’est le lien permettant que tout ne se disloque à tous vents.

« L »Estrade des préceptes représente le fondement des trois grandes Lois ésotériques… Quel est donc le grand précepte de la doctrine essentielle ? Il s’agit de distinguer clairement les doctrines et les lois erronées et de réciter de soi-même Namu Myoho Renge Kyo sans y mêler d’offense à la Loi, en se fondant sur le respect docile des orientations de Nichiren Daishonin. Et en même temps, faire respecter à autrui la Loi et la doctrine correctes en lui faisant jeter l’offense à la Loi des lois et doctrines hérétiques. Telle est la pratique du grand précepte de la doctrine essentielle ». Le grand précepte de la doctrine essentielle est donc de rejeter l’opposition à la Loi, autrement dit de distinguer le vrai du faux, et seul le Souverain de la Loi possède cette qualité. Distinguer le profond du superficiel, le provisoire du définitif, dans le corps des enseignements des Bouddha, permet au Souverain de la Loi, à travers son enseignement, de conduire autrui vers ce qui est juste. Alors que les autres individus, moines et laïcs, qui n’ont reçu que la transmission générale, peuvent s’égarer complètement sur la voie en pensant : « Moi je crois que c’est comme cela » ou « ben moi je n’ai pas lu ça ». Le fait de distinguer clairement ce qui relève de la doctrine du Bouddha originel, et ce qui n’en relève pas, a permis à notre école de se maintenir, intacte, jusqu’à nos jours. En outre, que l’école de la Nichiren Shoshu compte quarante fidèles laïcs ou treize millions n’a que peu d’importance. La préservation du Corps de la Loi pour la postérité, ça c’est important. C’est la raison pour laquelle Josei Toda avait bien raison de dire que seule la pérennité de la Nichiren Shoshu comptait, à ses yeux, et non une organisation laïque ou une autre.

Brigitte : Il est vrai que nous sommes probablement moins nombreux que dans d’autres groupes, mais c’est sans importance.

Et les bœufs sont également en grand nombre ! « En réfléchissant à la doctrine de l’Estrade des préceptes, fondée sur les orientations même de Nichiren Daishonin… il faut obligatoirement comprendre cette doctrine selon les trois degrés de la phrase, du sens et du cœur. C’est-à-dire que le cœur ne peut jamais être un autre que celui de Nichiren Daishonin ». Il faut donc que le cœur de celui qui reçoit le Dai Gohonzon soit identique au cœur du Bouddha originel. C’est la condition qui fait de cette personne la Personne unique. Pour cette raison, les considérations des uns ou des autres sur le fait qu’il y a eu ou non transmission sont infondées en droit et en fait. Les trois trésors « ne présentent ni l’aspect de l’impermanence, ni l’aspect de la mutabilité » avons-nous cité au début de ce cours. Autrement dit, les trois trésors ne relèvent ni de la seule conditionnalité, ni de la seule vacuité, mais bien de la médianité égale à la conditionnalité et à la vacuité. Les trois trésors sont donc immuables, hors le temps, et il ne peut y avoir d’arrêt de la transmission. Il se fait, par contre, que pour une vue ordinaire il peut sembler y avoir une rupture : « Untel n’était pas là à tel moment », ou « untel était bien trop jeune », mais les vues ordinaires ne peuvent prétendre au vrai.

« J’ai parlé tout à l’heure de l’héritage sanguin de notre école. Pour en préciser le sens d’une manière simple, j’aimerais dire que celui-ci réside dans le fait d’avoir profondément compris l’esprit de Nichiren Daishonin en tant que Bouddha originel, puis de transmettre correctement sa doctrine. Quels qu’ils soient, non seulement Nichiu Shonin ou Nichikan Shonin, mais tous les maîtres précédents, jusqu’au soixante sixième successeur Nittatsu Shonin, tous, selon l’époque, ont profondément compris l’esprit, le cœur de Nichiren Daishonin et ont transmis son enseignement. C’est pourquoi la Nichiren Shoshu est fondée sur le temple principal ». Tout le monde peut donc comprendre ce point, il s’agit d’abandonner sa vie et de fusionner avec le cœur du Bouddha originel. C’est donc l’abandon de toutes les vues personnelles étriquées et de tous les attachements. C’est l’aboutissement, la conclusion d’une ascèse qui aura duré des dizaines d’années, ou l’aboutissement invisible, pour qui ne peut « voir », de l’ascèse dans le corps d’une personne « jeune ». Mais dans les deux cas l’ascèse sera aboutie.

Le cinquante sixième Souverain de la Loi, Nichio Shonin, a écrit : « Ainsi, dans la transmission sanguine aux personnes uniques successives, on distingue la passation particulière et la passation générale. La passation particulière concerne le Corps de la Loi. La passation générale concerne la doctrine. De sorte que le maître susceptible de recevoir la passation particulière du Corps de la Loi est le grand guide, véritable récipiendaire de la transmission sanguine à la personne unique. Alors que ce sont tous les autres disciples et bienfaiteurs du Daishonin et de Nikko Shonin qui reçoivent la passation générale de la doctrine ». Il y a donc bien deux passations distinctes, comme nous l’avons évoqué à propos du stupa précieux. Il poursuit de la manière suivante : « Parmi ceux ayant reçu la passation générale de la doctrine, s’il en est qui ne parviennent pas à croire ni à comprendre la passation particulière, ceux-là tombent dans les vues erronées… Finalement, ils s’égarent quant à l’objet de la croyance que constitue le Corps de la Loi et forgent des doctrines personnelles, se détournant ainsi de la doctrine correcte du Daishonin et de Nikko Shonin. Par exemple, nombreux étaient les disciples du Daishonin de son vivant. Cependant, seul le fondateur de notre temple, Nikko Shonin, a reçu la passation particulière du Corps de la Loi. Les autres ne reçurent que la transmission générale de la doctrine. C’est pourquoi, après l’extinction du Daishonin, tous forgèrent leur propre doctrine, élevant des statues du Bouddha pour en faire leur vénéré fondamental ». Nous l’avons déjà dit, seule la personne unique est habilitée à distingue le vrai du faux dans le corps des enseignements des Bouddha. Nichio Shonin poursuit : « Par l’héritage de la transmission sanguine à la personne unique du Corps de la Loi depuis le Daishonin et Nikko Shonin, jusqu’au cinquantième et quelques successeurs, le Taisekiji a assis l’objet de la foi qu’est le Corps de la Loi, sans qu’aucun des héritiers ne propose la moindre contradiction ».

Il déclara encore : « Le Corps de la Loi, objet de la passation particulière, est le Grand Vénéré fondamental de l’Estrade des préceptes de la doctrine essentielle, gardé précieusement dans notre temple… Outre la réception du Corps de la Loi, il existe une transmission des paroles d’or à la personne unique. Celui qui n’a pas reçu la transmission des paroles d’or au successeur direct, personne unique, ne peut en aucun cas retranscrire le Vénéré Fondamental ». Seule la personne unique ayant reçu le Corps de la Loi et les paroles d’or du Bouddha est habilitée à retranscrire les Honzon devant lesquels nous pratiquons. Nichio Shonin écrit encore : « Seule la transmission des paroles d’or permet au véritable récipiendaire unique de retranscrire le cœur du fondateur et de transmettre l’esprit ultime du Honzon ».

Nancy : Et tous les faux Honzon d’un certain groupe ?

C’est le pire. Quel drame pour eux !

Sachez que lorsque Nichio Shonin a fait état des paroles d’or, tous les moines étaient surpris. La personne unique reçoit le Corps de la Loi et les paroles d’or, mais tout le monde l’ignorait. Cela reste entre les Souverains de la Loi successifs et nul ne connaît le contenu de ces paroles. « Bien sûr, la transmission de Nichiren Daishonin à Nikko Shonin est constituée des paroles d’or… Le contenu des paroles d’or transmises à la personne unique Nikko Shonin, furent reçues sur le fondement de son propre état de vie. C’est cela qui représente les feuilles d’or ». En d’autres termes, on utilisera l’expression « l’ego semblable à l’égo ». Nikko Shonin a reçu les paroles d’or du Bouddha originel parce que son égo était devenu semblable à l’égo de son maître.

Sylvaine : Comment peut-on le savoir ?

Cela se « voit ». Mais tout le monde ne « voit » pas. Par exemple, les chats voient des choses propres aux chats, mais ne voient pas les objets que perçoivent les libellules. Et les libellules voient des objets de libellules, et non des objets humains. Il y a toujours des différences quant aux objets perçus, à cause de la forme qui « perçoit ». Mais à ce niveau d’ascèse propre aux moines ainés, on « voit » des choses dans le corps de la personne. Comme le disait à juste titre Kant, on ne voit jamais que son état intérieur.

Nancy : Le Souverain de la Loi « voit » son successeur ?

On va y arriver, autant que faire se peut. Mais il s’agit également de l’induction dans le rapport Maître à disciple. L’’un entraîne l’autre. Ou, si l’on préfère, la volonté de transmettre rencontre la volonté de recevoir. Comme deux pièces complémentaires d’un puzzle qui sont attirées l’une par l’autre. Lorsque nous lisons le chapitre Hoben du sutra du Lotus nous trouvons l’expression : « L’entité réelle des phénomènes ne peut être comprise et partagée que de Bouddha à Bouddha ». Il s’agit je pense du même principe. Pour en revenir aux paroles d’or, le dix septième Souverain de la Loi Nissei Shonin a écrit : « Si l’on discourt de cela en particulier, il y a là douze points de doctrine ». Et, à propos de ces douze points : « Si on lit avec attention l’intégralité du Gosho de Nichiren, on peut trouver ces douze points ». Mais pour y parvenir il faut avoir l’œil suffisamment fin pour arriver à les distinguer. Ceci étant dit, transférons cette logique découlant des douze points, qui sont propres à la personne du Souverain de la Loi, à nous-mêmes. Que se passe t-il alors ? Si l’on s’imprègne jour après jour, mois après mois, année après année, du fait que la simultanéité de la cause et de l’effet constitue la moelle de notre existence, que cette même existence, étant instantanée, n’a pas d’origine et qu’elle apparaît, de surcroît, toujours en terme d’effet, que la seule chose à notre portée est la production du Corps du Bouddha en terme d’effet, et bien ces quelques points sur lesquels notre esprit va se modeler constituent un guide nous permettant d’éliminer de nombreuses souffrances mentales inutiles. Si l’on transfère maintenant cette réalité à ce propos de Nissei Shonin, il y a alors douze points incontournables de logique qui façonnent continûment l’esprit du Souverain de la Loi. Lui seul peut, dans ces conditions, discerner le profond du superficiel, le définitif du provisoire dans l’immense corps de la doctrine bouddhique et ainsi maintenir dans le présent le cœur du Bouddha originel. Il en va de même, toutes proportions gardées, pour nous moines et laïcs. A mesure que nous approfondissons la pratique de la doctrine, certaines choses reviennent de multiples fois en notre esprit comme étant absolument exactes, et ceci dirige notre esprit. On peut, si l’on pratique sérieusement, s’en rendre facilement compte.

« En révélant l’éternité du Bouddha originel depuis le passé atemporel des cinq cents grains de poussière, Shakyamuni révéla l’éternité dans le futur. De même, dans cette transmission sanguine, j’aimerais que vous compreniez que la transmission des paroles d’or du Bouddha originel Nichiren Daishonin s’effectuera telle quelle, selon sa volonté, au cours de l’éternité future ». Ainsi, les trois trésors étant permanents, il ne peut se faire qu’une quelconque chose puisse y faire obstacle. « Si l’on considère que la volonté du Bouddha traverse les trois phases, il en va de même pour la transmission. La volonté de celui qui transmet et celle de celui qui reçoit la transmission peuvent se montrer sous diverses formes, selon les conditions et les situations de chaque époque. Cependant, l’aspect que revêt la transmission n’est pas quelque chose sur laquelle on peut former des conjectures avec les yeux et la sagesse du vulgaire. Car ce sont la sagesse et la bienveillance du Bouddha qui se transmettent éternellement ». Après avoir entendu cela, douter est ni plus ni moins que de l’opposition à la volonté du Bouddha originel. Douter de cela est l’expression du mépris envers la bienveillance infinie du Bouddha originel.

Brigitte : Dan ces conditions, autant tout arrêter !

Absolument. Et chacun peut alors choisir comme il le veut l’objet de son respect ultime !!

Relativement au fait qu’un enfant d’une dizaine d’années a, un jour, été pressenti pour devenir le futur Souverain de la Loi, il faut savoir qu’il y a toujours eu des moines aînés dans la Nichiren Shoshu. Quarante ou cinquante années de pratique et d’étude permettent de maîtriser dans une certaine mesure les doctrines profondes de l’école. Si un Souverain de la Loi, sentant son extinction prochaine, distinguait les œuvres et les vertus, c’est-à-dire les racines de bien dans le corps d’un enfant, et bien il transmettait la charge à un aréopage de moines aînés et l’enfant était éduqué de façon à faire fructifier ses racines de bien pour qu’il puisse, le moment venu, avoir la capacité d’épouser les paroles d’or du Bouddha. Ainsi, que l’ancien Souverain de la Loi soit vivant ou non, la transmission du Corps de la Loi peut s’effectuer.

Isabelle : Il avait la capacité, en termes de racines de bien.

Michèle : Il y a donc d’un côté les capacités, et de l’autre les paroles d’or.

Pour autant que je puisse en juger, oui.

Il est fait état, dans un texte, du dépôt des paroles d’or à un moine en attendant la maturité effective de l’adolescent. Or, d’après certains, la transmission des paroles d’or s’effectue face à face, et celui qui la reçoit directement obtient la foi et la compréhension sur le champ et, si ce n’est pas le cas, il n’y a pas de transmission. C’est ce que certains peuvent penser. Mais, « Fondamentalement, les personnes non concernées n’ont pas à entendre d’explications au sujet de la transmission sanguine. Celles qui pensent que cette question est parfaitement justifiée sont dans l’erreur. J’aimerais qu’elles considèrent que la transmission répond à la volonté du Bouddha s’étendant à l’avenir éternel ». Le Bouddha, comme l’infinité phénoménale, est permanent. C’est un point sur lequel notre pensée doit continûment revenir. Par exemple, lorsque nous lisons le sutra du Lotus nous prononçons la phrase : « Je sais toujours si les êtres pratiquent ou ne pratiquent pas la voie ». Si Shakyamuni sait toujours si les êtres pratiquent ou non la voie, rien qu’en les voyant, imaginez-vous bien qu’il en va de même pour le Bouddha originel.

Michèle : Il voit les racines de bien.

C’est cela. Et si notre école affirme que la volonté du Bouddha originel travers les trois phases du temps, c’est parce qu’il est présent en permanence.

«  Comme je viens de le dire, la volonté du Bouddha traverse en permanence les trois phases de la vie. De plus, un Souverain de la Loi a toujours la volonté de transmettre à son successeur, ce dernier ayant la même volonté de recevoir la transmission. Ceci est en réalité très important ». Le vouloir transmettre et le vouloir recevoir sont toujours là.

Nichiko Shonin a écrit : « Est-ce l’usage ou la forme, dans la transmission des paroles d’or au successeur, qui fait autorité, ou bien est-ce la personne qui fait autorité ? » Est-ce donc la cérémonie qui fait autorité ou la personne ? « La question peut paraître bizarre. Cependant, dans ce que la personne elle-même a reçu en héritage, il y a quelque chose qui apparaît au fond de la vie de cette personne. Dans le petit véhicule on trouve l’expression < forme inapparente >. La forme inapparente représente une partie de la Loi en tant qu’objet de la contemplation ». Cette forme inapparente, d’après le petit véhicule, est non visible pour les êtres ordinaires. Elle est façonnée par les actes bons ou mauvais qui orientent l’agencement des cinq éléments de la terre, de l’eau, du feu, du vent et de l’espace de notre corps futur. Ainsi peut-on « voir » le bien et le mal du passé infini au travers l’aspect des corps. Pour celui qui peut « voir », bien entendu. Ainsi, « Il est naturel de dire que recevoir la transmission est l’effet résultant d’actes manifestes saints. En fait, dans la transmission entre Nichiren et Nikko, il y a la transmission de Bouddha à Bouddha, au sens véritable. Et si l’on veut en dire davantage, nous trouvons là l’esprit profond de l’induction entre l’initiateur et l’initié ». Pour établir un parallèle, utilisons ce commentaire : « Selon la tradition, lorsqu’un pratiquant promet de garder les préceptes, un certain type de Loi invisible est produit à l’intérieur de son corps. Cette Loi contribue à ce qu’il observe les préceptes et évite le mal. Elle est qualifiée de < non manifestée > parc qu’elle est invisible ». Dépassant le cadre étroit de la perception humaine les actes manifestes saints, grâce à l’ascèse, sont perceptibles dans le corps de la personne. On peut en parler en termes de racines de bien, de halo lumineux autour de la personne, de corps de la couleur de l’or, on peut mettre les mots que l’on veut mais cela ne nous est pas visible. Par contre, ceux qui peuvent le « voir » le perçoivent à deux cent mètres. « Il est donc absolument impossible de sonder avec les yeux et la sagesse des hommes ordinaires la transmission des saints respectifs, qui revêt une importante signification, en émettant des doutes parce que le récipiendaire était jeune, ou parce qu’il n’y a pas eu d’entrevue au dernier moment ou parce que la forme n’y était pas ».

Nous disions, au début du cours, que les trois trésors sont immuables, et que les bodhisattva sortis de terre avaient reçu la transmission particulière de Shakyamuni à l’intérieur du stupa précieux. Tous ces êtres sont les Souverains de la Loi successifs. Par extension, toutefois, les moines de la Nichiren Shoshu et, encore par extension, les bienfaiteurs laïcs femmes et hommes sont de leur famille. Il s’agit donc de nous. Maintenant et ici. Ainsi, lorsque nous pratiquons devant le Honzon, les portes sont ouvertes, c’est la cérémonie dans les airs du Lotus. Nam Myoho Renge Kyo, le Bouddha originel, est au centre, flanqué de part et d’autres des Bouddha Shakyamuni et Taho, des quatre dirigeants des bodhisattva sortis de terre et des neuf mondes dans l’éveil. Notre pratique nous intègre matin et soir à cette cérémonie dans les airs et notre présence, dans la sphère du Honzon, entraîne une infinité : tous les êtres avec qui nous avons été et serons liés. Que les êtres et les choses soient proches ou lointains, que nous les aimions ou pas, qu’ils soient existants ou non, que nous le percevions ou que nous ne le puissions pas, chacun de nous entraîne par sa pratique tout ce qui lui est propre. Ainsi la famille innombrable des bodhisattva sortis de terre s’accroît-elle, et ceci est l’expression de l’infinie bienveillance du Bouddha originel.

Jean-Claude : Quel est le sens de « sortis de terre » ?

De mémoire, selon le grand maître Zhiyi, l’audition de la Loi provoque un tremblement de terre, la terre étant l’esprit des êtres. Or, la terre est ce dans quoi nos sens étaient restés figés. Que la terre se fissure sous le choc permet à nos sens de recouvrer leur nature profonde. Sortir équivaut donc à entendre et à pratiquer la Loi.

Brigitte : Tu disais qu’on entraîne avec nous, par notre pratique, tout ce qui nous est proche. Sans pour autant les faire pratiquer eux-mêmes.

Oui. Il est dit en effet : « Employer, c’est répandre ». Pratiquer correspond donc à propager. Mais on peut, en plus, répandre la Loi par la parole. Les bienfaits pour soi et pour autrui sont bien plus nombreux si l’on propage par la voix. Car ainsi d’autres personnes entraînent leur propre monde infini. Dans son « Livre de la chance », Nagarjuna écrit : «  Quiconque engendre le désir de l’éveil a entrepris une activité qui sera cause de centaines de Bouddha ». Lorsqu’à la fin de notre pratique quotidienne nous transférons toutes les vertus de la pratique aux autres et à soi-même, c’est parce que les autres sont plus importants que soi-même dans la mesure où ils constituent notre réalité profonde. Et cette réalité s’étend à tout et à toute chose. La cérémonie dans les airs est donc permanente, c’est le Honzon, et notre pratique l’actualise, la rend effective en notre vie.

Isabelle : Dans le Gosho Nichiren dit d’Abutsu bo qu’il est le stupa précieux.

C’est exactement ça.

Dans le traité en cent six points le Daishonin enseigne : « Il faut considérer Nikko et les saints récipiendaires du moment, en tant que prêtres supérieurs généraux, comme s’il s’agissait de moi, de mon vivant, et ceci jusqu’aux confins du futur ». Qui plus est, deux jours avant son extinction, le Daishonin enseigna une « Transmission des sept points importants du Gohonzon ». Voici ce que Nikko Shonin a noté : « Question : Pourquoi les Souverains de la Loi successifs doivent-ils inscrire (sur le Gohonzon) le sceau de la présence de Nichiren ? Le Maître a répondu : Il y a là une raison profonde et secrète. Cela signifie que tous les Sages successifs sont Nichiren ». Comme nous l’avons évoqué dans le cours, il s’agit donc bel et bien d’abandonner son corps, d’abandonner sa vie. Le Daishonin a écrit en substance que le fait de se donner un nom soi-même, comme il le fit en s’appelant Nichiren, est comme l’accès à l’éveil. Et comme le corps est un effet, comme la pensée est un effet, comme le nom de famille est aussi un effet, le fait de se donner soi-même un nom correspond, pour les pratiquants de notre école, à abandonner la chaîne irrépressible des effets. C’est la raison pour laquelle chaque Souverain de la Loi abandonne son propre nom.

Le neuvième Souverain de la Loi a écrit : « Le maître qui transmet l’héritage le marque de l’empreinte des saints successifs depuis le fondateur, Bouddha des trois phases. C’est pourquoi il faut veiller à prendre fermement la croyance dans ce que transmet notre maître. De même, nos disciples doivent croire en nous ». Le commentaire précise : « Cette phrase signifie que ce qui a été transmis de Nikko Shonin à Nichimoku Shonin, de Nichimoku Shonin à Nichido Shonin, Nichigyo Shonin et ainsi de suite, possède l’empreinte de l’esprit du Bouddha originel Nichiren Daishonin ». Dès lors, si l’on ne peut « voir », on peut au moins croire puisque croire permet de voir. S’il en est qui ne peuvent ni croire ni voir, « ils s’égarent, sans support, sur la Voie ».

En mille deux cent soixante le Daishonin présenta son « Traité sur la sérénité du pays par l’établissement de la rectitude ». « Rectitude » est la traduction du terme japonais « shô ». « Cet idéogramme se dessine en écrivant < s’arrête à un >. Ce < un > n’est pas trois, ni cinq, ni neuf. Il s’agit en fait de la substance de l’unicité de la Personne et de la Loi, véritable aspect du passé infini… Le lieu où réside Nichiren Daishonin, apparu dans la période de la Fin de la Loi et détenteur de ce Gohonzon, le lieu où se trouve le Honzon de la doctrine originelle, qu’il révéla en teintant l’encre de son moi profond, est le lieu où s’arrête la substance de la Loi sublime. < S’arrête > signifie demeurer, exister en ce lieu. Aussi, s’arrêter et demeurer désignant le lieu où demeure le Honzon, cette expression se rapporte à l’Estrade des préceptes de la doctrine originelle ». « Un » est donc le lieu constitué par la Personne unique qui a la charge du Dai Gohonzon. Autrement dit, la personne unique est l’Estrade des préceptes de la doctrine originelle.

Il y a en fait deux sens à l’Estrade des préceptes. Le premier est l’Estrade des préceptes concrète, c’est le corps et l’esprit du Souverain de la Loi, Personne unique. Le second est l’Estrade des préceptes théorique, c’est la relation que nous établissons avec notre Honzon matin et soir. C’est donc le lieu ou notre corps est en relation avec la Loi. Quant au fait que cette Estrade des préceptes théorique se rapproche de l’estrade des préceptes concrète, c’est lié à l’acceptation en notre esprit de la pensée du Souverain de la Loi. Cela est si évident qu’il est absolument inconcevable de croire pratiquer cette Loi sans suivre l’esprit du Souverain de la Loi. Si, dans l’ascèse de ne ménager ni son corps ni sa vie, l’esprit ne devient pas disciple du Souverain de la Loi, ce n’est alors que la « vente » du soi-même. Or, se « vendre » un « soi-même » plutôt que de devenir la Voie est pitoyable, pour un disciple.

Dans le chapitre Durée de la vie du Lotus existe l’allégorie de l’excellent médecin revenant voir ses enfants pour les soigner. Il prépare une potion devant les guérir mais : « Certains des enfants, qui avaient bu le poison, avaient perdu leur esprit originel, d’autres ne l’avaient pas perdu ». Dès lors, certains de ses enfants refusèrent de prendre ce médicament. « Ceux qui n’ont pas perdu leur esprit originel représentent les personnes qui, depuis sept siècles, sont devenues les disciples et bienfaiteurs de Nichiren Daishonin, ont protégé la Loi correcte en progressant dans la récitation de Nam Myoho Renge Kyo et réalisent le vœu fondamental de l’accomplissement de l’identité de l’ensemencement et de l’éveil. Ce sont des personnes suivant docilement l’enseignement et qui reçoivent d’elles-mêmes la joie de la Loi dans la pratique purifiant le monde des phénomènes, immuablement au cours des trois phases ». En somme, tant que nous pratiquons nous faisons partie de ces êtres qui n’ont pas perdu l’esprit. Nous pouvons alors recevoir la joie de la Loi dans la pratique purifiant le monde des phénomènes. Chacun ayant son monde à lui de relations particulières, il purifie ce monde immuablement au cours des trois phases. Le Daishonin écrit à un moine emprisonné : « Vous, vous êtes devenu celui qui sauve ses parents, ses six liens de parenté et tous les êtres parce que votre personne a expérimenté l’intégralité du sutra du Lotus, à la fois dans les deux domaines du corps et du cœur. Les autres, eux, lisent le Lotus de diverses façons. Ils lisent avec la bouche ou ils lisent les mots mais leur cœur ne lit pas, ou alors ils lisent avec le cœur mais non par le corps ». « Abandonner sa vie et son corps, et désirer voir le Bouddha en son cœur », est pourtant ce que nous récitons jour après jour. Telle est notre ascèse.

Dans son « Traité sur le Vénéré fondamental de l’observation du cœur », le Daishonin écrit : « Sachez-le. Lorsque ces quatre bodhisattva expriment shakubuku (conversion sans ménagements), ils se transforment en roi sages et réprimandent les rois stupides ; lorsqu’ils pratiquent shoju (conversion douce), ils se transforment en moines pour propager et garder la Loi correcte ». Ces bodhisattva sortis de terre, apparus lors de l’enseignement du Lotus par Shakyamuni pour montrer par leur propre corps, à ses disciples, le Honzon, apparaissent dans notre époque soit en tant que moines, soit en tant que roi sages. Ainsi, lorsque nous nous rendons au temple pour pratiquer nous voyons les moines pratiquer shoju, c’est-à-dire qu’ils accomplissent les rites ancestraux de l’école et révèlent la Loi, montrant ainsi l’aspect de la doctrine. Et pour nous, qui apparaissons comme des laïcs, nous avons pour fonction possible, si nous faisons apparaître en nous-mêmes une grande sagesse, de devenir des rois sages réprimandant les rois stupides. Les rois stupides étant les tenants actuels des idées erronées dans notre société. Nittatsu Shonin a commenté ce passage ainsi : « Les moines accomplissent shoju avec l’esprit de shakubuku. Les laïcs accomplissent shakubuku avec l’esprit de shakubuku. Ensemble ils forment un tout qui, lorsqu’il pénètre l’état de vie du Bouddha originel Nichiren Daishonin, peut montrer l’aspect magnifique de l’éveil ». Les moines accomplissent donc shoju avec une fermeté dans l’ascèse, dans les rites, qui est l’esprit de shakubuku, et les laïcs pratiquent l’ascèse tant vis-à-vis d’eux-mêmes que vis-à-vis de la pensée erronée d’autrui. L’ensemble peut alors « montrer l’aspect magnifique de l’éveil ».

Dans le sutra du Nirvana, Shakyamuni déclare : « Je fais la transmission de la bonne Loi sans supérieur aux rois, aux ministres d’état, aux premiers ministres, ainsi qu’aux quatre catégories d’êtres… Hommes de bien, ceux qui désirent protéger la bonne Loi sans recevoir les cinq préceptes ni pratiquer la dignité, doivent porter le couteau et le sabre, l’arc et les flèches, les pointes et les lances… S’il en est qui souhaitent recevoir et observer les cinq préceptes (du petit véhicule), ils ne peuvent pas obtenir d’être appelés pratiquants du grand véhicule ». S’il est des individus qui désirent détruire la Loi, les rois et les quatre catégories d’êtres doivent s’armer afin de la défendre. Il s’agit en général non pas de se servir d’une arme, comme le croient certains guignols, mais d’en devenir une. Ceci afin de trancher, en soi et autour de soi, l’obscurité fondamentale propre à tous les êtres. « En tant que méthode pour propager la Loi, il faut porter les armes et non pas observer les préceptes, ni pratiquer la dignité. Pourtant, ces cinq préceptes constituent la base morale de l’être humain, dans tous les domaines de sa vie quotidienne. Ce sont : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas forniquer, ne pas mentir et ne pas absorber d’alcool… Il est en fait plus important de protéger la bonne Loi que de s’attacher à ce genre de chose ».

« Même s’ils ne reçoivent pas les cinq préceptes mais protègent la Loi, ils peuvent être appelés pratiquants du grand véhicule », affirme Shakyamuni. Pour nous, garder la Loi sans égal, la protéger et la propager, est bien plus important que de recevoir les cinq préceptes du petit véhicule. Inversement, le fait de garder ces préceptes sans propager la Loi est une horreur, une lâcheté. Le Daishonin a enseigné : « Mes disciples, devenez supérieurs à Ananda, à Zhiyi ».

« Il y a trois mille ans, lors de la cérémonie dans les airs, le vénéré Shakya a pu montrer son existence permanente depuis le passé lointain, en convoquant les bodhisattva sortis de terre qui sont ses disciples depuis le passé lointain et donner aux êtres de son vivant la conscience de la vie éternelle… Les bodhisattva sortis de terre, qui ont achevé leur grande mission de faire shakubuku aux êtres égarés de l’époque du vénéré Shakya, révèlent maintenant que le Bouddha originel Nichiren Daishonin est le Souverain principal lorsqu’il fait son apparition dans l’époque de mappo (notre époque) ».

«  En réfléchissant sur la base de la sagesse de la neuvième conscience (Myoho Renge Kyo) issue de l’existence originelle et permanente du bouddha originel Nichiren Daishonin, je crois que nous possédons tous un aspect permanent depuis le passé infini… Notre vie, vue de la neuvième conscience de la Loi merveilleuse, est une vie permanente depuis le passé infini. Cela n’est pas facile à comprendre. Mais le sens profond de Myoho Renge Kyo contient tout cela ».

« Nichikan Shonin a écrit : « Le passé infiniment lointain réside dans le moment présent. Aujourd’hui est le passé infiniment lointain ». « Lorsque tous les humains réciteront ensemble Namu Myoho Renge Kyo, le vent ne fera plus bruisser les branches et la pluie ne brisera plus les mottes de terre » affirme le Daishonin. Cela signifie que chacun engendre toujours son propre monde, à l’origine. Dès lors, l’origine de notre école ne remonte pas seulement à sept cent cinquante ans.

Merci de votre attention.