Cours n°11
L’enseignement du Bouddha Originel
La vie dans le monde
Le Souverain de la Loi Nikken Shonin déclare : « Lorsqu’on lit les écrits de Nichiren Daishonin, on voit qu’il insiste sur le fait que les Shoten Zenjin, les divinités bénéfiques qui protègent le territoire, existent réellement. Au travers de ces phrases, et en particulier du point de vue de la signification du sutra du Lotus, l’intégralité des existences du monde des phénomènes possède une signification profonde et indicible ». Autrement dit les Bouddha, en l’occurrence Shakyamuni ou Nichiren, nous parlent de divinités bouddhiques ou de formes qui ne sont pas perceptibles dans le cadre ordinaire de la vue humaine. Et le Souverain de la Loi poursuit : « Si l’on est uniquement prisonnier d’une conception scientifique moderne, on considère que le soleil, la lune, sont de la matière et existent là du fait du hasard. Or, en réalité, la formation de cette terre comme notre existence résultent d’une profonde et inconcevable conditionnalité. Autrement dit, du point de vue de la sagesse extrêmement profonde du Bouddha, on comprend que toute chose dans le monde des phénomènes existe en terme de protection ». Ces choses, ces phénomènes que l’on ne perçoit pas en tant que ce qu’ils sont réellement, sont donc aux yeux du Bouddha des éléments favorisant l’existence ou sa durée.
Dédaignant Héraclite, qui affirme que le plus bel ordre n’est qu’un résidu de fausse couche jeté en vrac, certains grecs ont crû pouvoir gloser sur « l’ordre de l’univers ». D’aucuns, même, forts de cette certitude, en on cherché le « créateur ». Pourtant, dans l’invisible instantanéité des êtres et des choses, tout participe depuis un temps sans origine à l’existant. Et il n’est pas plus d’ordre ici que de désordre là, car le point de vue étroit et subjectif de l’observateur ne peut ne pas participer dramatiquement au jugement. Cet ensemble infini de phénomènes changeants, instantanés, soutenant notre existence nous est absolument invisible. La causalité qui y préside n’est nullement une causalité linéaire dans le temps, « ceci entraîne cela », ni une causalité spatiale du type « interdépendance ». Ce ne sont là que vues humaines, que déductions, qu’espérances vaines d’établir une logique efficace. Dans l’instantanéité, qui est la seule réalité, l’ensemble phénoménal participe à, et soutient l’infinité des individualités existantes. Et là où nous nous pensons séparés de ce qui n’est pas nous, où nous croyons pouvoir distinguer entre la lune et le soleil, entre ceci et cela, il n’y a en fait qu’une harmonie globale provisoire puisque instantanée. Le phénomène individuel n’est donc que la partie visible, pour l’humain, d’une « texture » provisoire s’étendant à tout. Tel est du reste l’avis d’Anaxagore : « Il n’est pas possible qu’il y ait d’existence séparée, mais chaque chose participe à une partie de chaque chose ». Le Bouddha voit donc la pluralité des structures momentanées sous-tendant les réalités individuelles, et il leur donnera des noms. Leur donnant des noms, il nommera des structures provisoires qui échappent nécessairement à notre perception humaine minimaliste. Tel est encore le sentiment d’Anaxagore qui déclare : « Le phénomène est ce que l’on perçoit des choses invisibles ». Il y a donc bien existence réelle momentanée d’un ensemble infini de phénomènes, mais nous ne percevons, au même titre que les girafes perçoivent des objets de girafes, que des objets humains.
Le Souverain de la Loi enseigne que l’infinité phénoménale « existe telle quelle en tant que vie du Bouddha ou en tant que vie de divinités, pour accorder leur protection à toutes les choses. Selon l’enseignement du Lotus, la vie est présente dans toute chose, tous les phénomènes sont eux-mêmes dotés des dix mondes et possèdent la nature de Bouddha ». Vous l’aurez remarqué, dans cet enseignement l’importance est donnée à la qualité même qui sous tend l’architecture provisoire, c’est-à-dire à l’état, de l’enfer à l’éveil ultime. C’est-à-dire que l’état, ou le monde, se traduit nécessairement par un agencement provisoire des cinq éléments que sont la terre, l’eau, le feu, le vent et l’espace. Ceci vaut pour toute chose. Telle est donc la vision que le Bouddha a des phénomènes. « Un nombre incalculable d’êtres existe en ce monde des phénomènes. Parmi ces êtres, nombreux sont ceux que nous ne pouvons voir avec les yeux » dit-il encore. Dans le passé, certains pratiquants de l’enseignement du Bouddha Shakyamuni développèrent un état de vie tel « qu’ils pouvaient observer l’intérieur de leur propre corps et, dans ces méditations, ils entendaient les propos de l’infinité des phénomènes édifiants leur corps ». Leur méditation leur permettait donc « d’entendre » le fonctionnement de ce qui les constituaient. C’est là l’occasion d’un clin d’œil à Parménide, pour qui : « L’étant est tout entier plein d’étant, aussi est-il tout entier continu, car de l’étant touche à de l’étant ».
Dès lors, là ou nous parlerons en toute « normalité » de corps, de notre corps, qui est limité par une surface pour Aristote, d’autres, tant en Asie qu’en Occident, parleront de la réunion provisoire d’une infinité d’éléments. Qui plus est, cette réunion provisoire, instantanée pour dire le vrai, est nécessairement le fruit de l’ensemble des conditions environnementales, c’est-à-dire de l’ensemble du monde des phénomènes. L’unité est une multiplicité, la multiplicité est une unité.
Le Souverain de la Loi enseigne : « En tout état de cause, des êtres, il y en a partout. Même maintenant, dans cette sale où je donne un cours, il y a peut-être des êtres du monde des désirs qui, dans le passé, ont obtenu des pouvoirs transcendantaux, ou des êtres du monde des animaux. Il y a peut-être des fantômes de serpents ou des esprits qui sont présents et qui écoutent ce que je dis. Si l’on part de ce principe, grâce aux œuvres et vertus d’entendre la Loi, dans le futur, à un certain moment, ils pourront s’échapper du monde des animaux. Je pense qu’il convient de réfléchir au fait que, parmi les aspects infinis du monde des phénomènes, il n’existe pas uniquement ceux qui sont visibles par l’être humain ». Il y a donc une insistance assez nette, là, de sa part, pour nous faire comprendre à quel point les états de vie de ce qui est nous échappent totalement. Humains, nous mettons des noms sur ce qui nous est perceptible, mais ce qui nous est perceptible n’est que notre corps, comme le soutenait Merleau Ponty. Le concept bouddhique des « Quatre visions de l’eau unique » enseigne que, selon leur état de vie, différents êtres voient un phénomène unique de manière différente. Face à de l’eau l’esprit affamé voit du feu, le poisson voit sa demeure, l’homme voit de l’eau et l’être céleste voit de l’hydromel. Ce que nous désignons par le terme « eau », existe bel et bien en soi, mais chaque observateur affublera cette réalité unique de son propre corps. Kant le disait, nous ne voyons jamais que notre propre état intérieur. Et si le grand maître Zhiyi déclare : « En voyant d’innombrables bodhisattva emplir le ciel, on connaît le véritable monde des phénomènes », c’est au moins aussi réel que si un humain ordinaire affirme : « Moi je ne vois rien ». Et lorsque des humains, dits scientifiques, déclarent que plus de quatre vingt pour cent de la matière ne nous est pas visible, souvenons nous que cela fait sourire tous les Eveillés des dix directions. En effet, tenant compte des divers états de vie des êtres, le Daishonin déclare : « A l’intérieur de ce monde de l’endurance, il y a dix milliards de monts Sumeru, dix milliards de soleils et de lunes, dix milliards de quatre continents ».
Dans les « Questions de Prasenajit » Shakyamuni déclare : « Grand roi, tu recherches uniquement la sublime doctrine, la façon dont tu agis pour les gens du pays de Kosala, pour leur profit et leur bonheur, leur libération,.. cela est bien. En outre, grand roi, dans le parc du prince Jeta des centaines de milliers de dieux résident qui, sans révéler leur corps, me rendent hommage ». Ainsi, tel que le voit Shakyamuni, les actes bénéfiques du roi quant à sa progression sur la voie et quant au peuple, entraînent la présence de fonctions protectrices dans son pays. Plus généralement, selon cet enseignement, les œuvres et vertus de nos actes quotidiens agencent constamment notre réalité. Lors d’un cours, le Souverain de la Loi a déclaré : « A chaque session j’ai été très touché par votre foi pure et solide,… Le Bouddha et les trois trésors (Le Bouddha, la Loi et le moine) vous observent et vous accordent leur admiration. Dans ce monde des phénomènes il existe une incalculable quantité d’êtres vivants, tels que les microbes, les reptiles, les animaux, les oiseaux, sans oublier les humains. Chaque être change et se développe constamment. Le développement de la science, aujourd’hui, est considérable. Il semble sans limite. Cependant, il y a une chose à laquelle ni la sagesse humaine ni la science ne peuvent aboutir, c’est l’infinitude du temps et de l’espace ». Selon notre école, le fait d’être s’impose. Nul ne peut s’y soustraire. Mais ce n’est pas une cause, c’est un effet. Pour autant, cet effet qu’est l’existence évolue en fonction des actes positifs ou négatifs que nous sommes amenés à effectuer dans cette existence, cette dernière étant ce qui est le plus important. La raison en est que la présence est permanente. En outre, la rétribution principale des actes étant la Une pensée momentanée, la croyance, c’est-à-dire le non rejet des objets que le Bouddha perçoit, constitue pour nous le seul accès à ce que l’on peut appeler une « cause ». Il s’agit alors de la merveille de la cause originelle. Hors cette logique, tous les systèmes tombent dans l’hérésie qui consiste à « appeler cause ce qui n’en est pas une ».
« Toutes les choses et tous les phénomènes semblent changer et se développer sans cesse. Au tréfonds de tout cela il y a une Loi permanente qui lie tout. Tout les phénomènes qui se produisent ne sont que cette Loi. Cette Loi merveilleuse est dite Loi inconcevable dotée à la fois de la cause et de l’effet depuis le passé hors le temps » poursuit le Souverain de la Loi. Cette Loi inconcevable de la simultanéité de la cause et de l’effet, qui se trouve être hors le temps, est la substance même de tout ce qui est. Tout ce qui est étant cette Loi merveilleuse, toutes les existences sont hors le temps. Humains, nous ne pouvons le percevoir. En outre, depuis les grandes avancées « logiques » d’Aristote, ce que l’on nomme « science » ne peut observer qu’une seule chose : comment ? pourquoi ? : ceci entraîne cela ! Or, toutes les existences étant hors le temps, inconditionnées, absolues, il ne peut se faire, justement, que « ceci entraîne cela ». Ce n’est qu’une vue de l’esprit, et aucune avancée scientifique dans cette direction ne pourra jamais apporter un quelconque mieux être à qui que ce soit. Tous, nous avons le sentiment d’êtres plongés dans un temps et dans un espace. Pourtant, lors de la pratique, l’observation de notre cœur peut nous permettre de réaliser que, la cause et l’effet étant simultanés, nous n’avons pas d’origine. L’illusion, c’est de voir les naissances et les morts séparées dans le temps. Nous croyons alors voir de la « durée à l’identique » chez les êtres et les choses. Pourtant, au vu de l’instantanéité des phénomènes les naissances et les morts sont simultanées, et seule cette approche peut rendre réellement compte du changement et de l’évolution des phénomènes. Dans un ouvrage de Nagarjuna nous lisons : « Parce qu’ils ne sont pas concevables, tous les phénomènes sont harmonieux. Lorsque ces phénomènes inconcevables sont associés à la pensée, ils sont disharmonieux ».
Le Souverain de la Loi enseigne : « La vie de chaque être humain possède à chaque pensée la nature de la Loi merveilleuse, libre et spontanée, existant universellement dans le monde des phénomènes. Cependant, cette nature est recouverte depuis le sans commencement par l’illusion de l’obscurité ». Entrer dans la voie bouddhique consiste à partager une perception, celle de l’éveillé, qui ouvre sur des objets que nous ne pouvons absolument pas voir à l’ordinaire. Or, ce qui interdit cette perception, c’est l’obscurité fondamentale caractérisant les êtres des neuf premiers mondes. Pour l’éveillé, tous les phénomènes sont absolus, c’est-à-dire inconditionnés, hors le temps, ils ne peuvent donc ni apparaître ni disparaître, et leur substance est la Loi merveilleuse de la simultanéité de la cause et de l’effet. Humains, nous pouvons entendre la Loi, nous allons donc pouvoir faire entrer dans notre esprit des objets conceptuels que nous ne pouvions pas même imaginer. Les garder constitue la foi. Et croire va nous permettre de garder ces objets jusqu’au moment où savoir, ou plus exactement « voir », va les illuminer. Entendre permet de croire, croire permet de savoir et, par extension, de voir, ce qui constitue l’avancée dans la voie, car le bouddhisme est la voie de la vue.
Nancy : Tu veux dire qu’on passe d’une vue humaine à quelque chose de plus grand ?
Dans l’enseignement du Bouddha il y a quatre états au-dessus de l’état humain, et donc quatre types de vues supérieures. Croire et pratiquer la voie permet naturellement de les obtenir.
Le Souverain de la loi enseigne : « Lorsque nous croyons dans le Gohonzon, avec une foi absolue, et récitons sérieusement Nam Myoho Renge Kyo en direction de la corporéité de Nichiren Daishonin, ouverte sur l’identité de la vie instantanée et du monde des phénomènes de l’univers, alors notre vie instantanée reçoit le grand bienfait de la fusion harmonieuse avec le Gohonzon ». Autrement dit, si la vie est instantanée, et il ne peut se faire que cela ne soit pas le cas, tout est lié continûment en un seul corps infini s’étendant à tout, et tous les possibles, de l’enfer à l’éveil ultime, constituent la réalité immédiate de notre présence.
Brigitte : L’âge, le sexe, la culture, la langue, le poids du passé, rien n’est alors un obstacle en soi.
C’est cela. Et dans cette instantanéité parfaitement invisible à nos yeux, un phénomène naît et meurt soixante quatre fois dans l’espace d’un claquement de doigts, tout n’est qu’un corps unique : le corps de la Loi. Pourtant, comme le dit Nagarjuna : « Hélas ! songe le bodhisattva, ces êtres aveuglés par l’ignorance et la confusion adhèrent à un soi, un être vivant, un principe vital, un principe nourricier, un individu, une personne ». Tout étant lié, il s’agit en réalité d’harmonie globale, de l’enfer aux souffrances incessantes à l’éveil ultime. Mais l’humain dans l’obscurité verra son corps, le corps des autres, la durée, le moi, la vieillesse, la maladie et il craindra par dessus tout sa propre disparition. Il ignore que ce qu’il perçoit n’est que son corps, qu’il n’y a donc jamais de réelle relation à un objet, sauf dans l’éveil, et qu’il auto-produit un monde unique et sans origine : le sien.
Michèle : Tu veux dire que tout être a un monde unique qu’il auto-produit ?
Oui. Et cela n’a pas d’origine. C’est impartageable par les parents, le conjoint, les enfants et les amis. Parménide disait de l’étant qu’il est : « seul de sa race ». C’est vrai. Chaque sujet ne voit donc que sa propre propension, et celle-ci masque continuellement l’aspect réel des phénomènes. C’est une chose que l’on peut entendre, dans laquelle on peut croire, et à laquelle il convient de s’éveiller au plus vite. En pratiquant nous pouvons nous séparer du bon sens, que l’on dit commun, nous séparer des récurrences nauséabondes qui nous caractérisent en terme de « moi », et nous éveiller au fait que notre avenir, à l’ordinaire, à toujours été notre passé. En réalité, comme l’affirme le Daishonin : « L’esprit et la vie instantanée emplissent le monde des phénomènes ». Ceci n’est nullement une figure poétique, c’est à prendre au mot. De son côté Schopenhauer disait, en substance : « On ne peut pas plus choir de l’existence que choir hors de l’espace ».
Le Souverain de la Loi enseigne : « Notre corps, ou nous-mêmes, existe en fonction des causes et des conditions, et montre l’aspect des effets et des rétributions ». Le corps existe en fonction de causes et des conditions, certes, mais ces causes et conditions s’imposent, nous ne les décidons pas, elles apparaissent. Nous ne pouvons que constater que nous sommes. Nous sommes donc les effets permanents de causes et de conditions qui nous dépassent. La cause c’est le karma, les conditions sont ce qui est autre que la Une pensée momentanée, c’est-à-dire le corps et l’environnement. Tout phénomène apparaît donc en tant que rétributions du passé infini. Quant à l’objet qui affecte à chaque instant la pensée, il est nécessairement le passé immédiat de notre réalité. La pensée ne sert donc de rien. En effet, la simultanéité de la cause et de l’effet est hors le temps, et nous montrons continûment l’aspect des effets et des rétributions. Ce qui est un effet ne peut être une cause. C’est la raison pour laquelle le Souverain de la Loi a déclaré un jour que ce qui naissait des causes et des conditions ne pouvait être un objet de respect. Le vénéré Shakya enseigne : « Des évènements se produisent dans le monde, mais il n’y a pas d’acteurs ». C’est clair. Il n’est pas de cause en ce monde. Dès lors, « Appeler cause ce qui n’en est pas une » caractérise bien l’aveuglement des êtres dans les six voies, et son complément : « Prendre pour voie ce qui n’est pas la voie » désigne le dédain des êtres envers l’enseignement du Souverain de la merveille de la cause originelle, Nichiren Daishonin.
Nous lisons dans « La perfection de sagesse » : « On dit bodhisattva en raison de l’inexistence de l’être, de l’annulation de la notion d’être vivant. Et pourquoi ? Le monde des êtres est une expression pour l’absence d’être ; parce que le monde des êtres n’existe pas, il n’existe pas d’être vivant dans l’être vivant ». Aucun existant ne possède le principe de son existence, et c’est à cela qu’il convient de nous éveiller. Ce qui est effet ne peut être cause de lui-même. Le corps est un effet, la pensée est un effet, et les concepts humains tels que liberté, libre arbitre, volonté, volition, responsabilité, réflexion, imagination, mémoire, âme, qui tentent de nous faire croire que nous sommes décisionnaires et autonomes, sont des naïvetés dérisoires et surtout inopérantes. Schopenhauer, Nietzsche, Parménide, Empédocle et quelques autres l’ont deviné, certains l’ont refusé par lâcheté, le bouddha, lui s’y est éveillé. En effet, « Les saints du passé se sont éveillés en illuminant la vie qu’il subissaient depuis un passé infini », enseigne le Souverain de la Loi.
Concernant la sagesse de l’ainsi venant « La perfection de sagesse » nous dit encore : « Elle connaît les trois mondes (du désir, de la forme et du sans forme) comme des non-mondes. Elle les voit comme effet, impermanence, souffrance, maladie, douleur, vacuité, mal, fin, destruction, sans caractéristiques ». Cela signifie que ce que nous percevons comme étant notre monde quotidien « bien réel », l’éveillé le voit en tant qu’effet de ce que nous sommes, comme maladie, comme souffrance, comme étant le mal. En outre, seul l’enseignement du Bouddha considère « le monde » dans lequel nous sommes comme effet, comme maladie. Nul autre enseignement ne partira de cette base fondamentale et incontournable : tout étant effet, tout est hors le temps. Par contre, la pensée usuelle s’engouffre spontanément dans le sentiment que si l’on existe, le mérite en revient aux parents, si l’on se lève de sa chaise, c’est qu’on l’a voulu, s’il y a des choses et des êtres, c’est qu’ils ont été créés, si l’on veut réussir dans « le monde », il faut être « pragmatique », comme la vie est courte, il faut en profiter, et ainsi de suite. En fait, l’individu est effrayé par la régression à l’infini des causes et des effets et, baissant la tête, il s’estime à la fois auteur de ses actes, il peut justifier le moindre d’entre eux par des raisons, et il croit dur comme fer que ce qui lui arrive de grave est sans aucun rapport avec ce qu’il est ou désire. Or, le Daishonin a déclaré : « Le passé infini est l’originel, le présent est l’éphémère ». Pour qui ne peut percevoir son origine hors le temps, force est de pondre des concepts boiteux tels que le vouloir, la chance, la responsabilité, le destin, l’âme, la mort, etc… Tout ceci n’est façonné que pour combler un « vide » angoissant, désespérant, horrible : tout n’est qu’effet. Cela ne plaît à personne, en général, et certains même ne peuvent pas du tout l’entendre, et encore moins y croire. Nous, qui pratiquons, pouvons cependant nous y éveiller. Pour cette raison Shakyamuni qualifie ses disciples de la manière suivante : Shubuti le vivant, Ananda le Vivant, Mahakashyapa.le vivant. Le terme de « vivant » s’applique alors aux seuls êtres entrés dans la voie bouddhique, car tous les autres ne sont qu’une somme d’effets sans direction.
Le Souverain de la Loi enseigne : « Tous les êtres sont prisonniers de l’idée de leur existence. Là déjà réside la cause fondamentale de leurs souffrances. En fait nous n’existons que par l’association de causes et de conditions. Seule la réunion de causes et de conditions fait l’existence présente. Or, lorsque la cause et la condition de la vie arriveront à leur terme, cela sera la mort dans le registre humain… (Après la mort) la souffrance ou le bonheur perdurent irrémédiablement, en fonction des causes et des conditions… Cela ne perdure pas en fonction du moi ». Le « registre humain » désigne les limites de l’observation usuelle. Humains, nous nommons « identité » ce qui change constamment, et naissance et mort séparées dans le temps les naissances et morts simultanées de l’existant. Nous ne pouvons donc rien percevoir réellement. En outre, « Cela ne perdure pas en fonction du moi » signifie qu’en effet circonstanciel est dans l’incapacité d’être cause de quoi que ce soit. L’existence n’est pas un acte. Le Bouddha Shakyamuni disait en substance que les « moi » successifs ne font pas le soi. Cela signifie que ce d’où proviennent à chaque instant le corps, l’environnement et la pensée sont le véritable soi. Les petits « moi »circonstanciels ne peuvent donc en aucun cas, même empilés, constituer le soi. Schopenhauer a écrit : « Le moi est une grandeur inconnue, c’est-à-dire un mystère à lui-même… C’est quelque chose d’antérieur à la conscience, c’est la racine de l’arbre dont celle-ci est le fruit ».
Jean-Denis : C’est pas mal vu ça.
Certes. Et pendant qu’on est avec lui : « Si l’on suppose que l’effet et la cause sont simultanés, il faut réduire le cours du monde à un simple moment ».
Applaudissements.
Je savais qu’elle vous plairait.
Après avoir dit que les souffrances des êtres venaient de leur ignorance fondamentale de la causalité, le Souverain de la Loi déclare : « En chaque chose existe immanquablement une cause entraînant forcément un effet. De plus, dans cette loi immuable, il y a immanquablement les conditions et la rétribution. Ces causes, conditions, effets et rétributions représentent le point le plus important pour l’être humain, dans le fait même qu’il vive ». La simultanéité de la cause et de l’effet ouvre sur la présence immuable et hors le temps de tout ce qui est. Qu’il y ait immanquablement dans cette loi les « conditions et la rétribution » signifie que l’environnement du sujet est toujours lui-même, en tant que rétribution. C’est à cela qu’il convient que nous nous éveillions dans les délais les plus brefs, c’est-à-dire avant de mourir. Le Souverain de la Loi nous indique même qu’on peut le faire bien avant. Ce qui est gentil à lui.
Dans la « Transmission orale de la doctrine » nous lisons : « A présent, le cœur de Nichiren et des siens est que, dans son acception générale, l’Ainsi Venant c’est tous les êtres ». Cela peut s’entendre de la manière suivante, tous les êtres étant la simultanéité de la cause et de l’effet, tous les phénomènes sont la Loi merveilleuse. Tous les êtres, pour le bouddha, expriment leur corps de communication, c’est-à-dire leur corps physique, en tant qu’entité des dix mondes dans les dix mondes. Cela est hors le temps. « La vie de l’Ainsi Venant au corps de la Loi représente le principe véritable, tel qu’en lui-même, dont l’aspect, la nature et la substance, présents à l’origine, sont permanents dans le monde des phénomènes, dépassant la capacité des êtres dans les trois mondes à juger de leur existence ou de leur inexistence ». Le Souverain de la Loi traite ici du corps du Bouddha dont l’aspect physique, la sagesse et la corporéité expriment le corps de la Loi, c’est-à-dire l’infinité des phénomènes. Dès lors, les capacités limitées des êtres ordinaires n’autorisent aucun jugement quant à ce qui est ou à ce qui n’est pas, en général, et à plus forte raison lorsque cela concerne la vie de l’éveillé. Cela pour aboutir, nous le verrons bientôt, au fait que la personnalité de tout ce qui est est hors le temps, immuable.
Nous lisons dans le Lotus : « Je demeure ici constamment, mais grâce à la force de mes pouvoirs divins je fais en sorte que les êtres aux conceptions erronées, bien que je sois proche, ne me voient plus ». Dans son commentaire le Souverain de la Loi dit que les êtres voient complètement à l’envers la réalité et le principe véritable. Que les êtres humains ordinaires dans les six voies possèdent une vision illusoire de la vie, du quotidien et de la vérité. Ils ignorent que les apparitions, les transformations et les disparitions des phénomènes représentent les pouvoirs transcendantaux du Bouddha. Autrement dit, naître, se modifier et disparaître, pour les phénomènes, est toujours l’expression des dix états dans les dix états. En appui les uns sur les autres, les phénomènes montrent donc les harmonies globales de l’enfer, de l’avidité, de l’animalité, de la joie, etc… Cela constitue donc le vrai provisoire des phénomènes, leur aspect réel, en référence à l’état le plus sublime : l’éveil.
Le Daishonin enseigne : « Ce que l’on appelle pouvoirs divins est ce que nous, les êtres, manifestons en chaque acte, à tout moment. Naissance, pérennité, transformation et extinction sont toutes la substance des pouvoirs transcendantaux substantiels des trois mille phénomènes ». En d’autres termes, la durée de l’existence nous échappe puisqu’elle apparaît en terme d’effet, nous n’en sommes donc pas le maître. Nous nous réveillons le matin, nous nous levons, nous sommes existants, bon, c’est un constat. Cependant, comme rien ne peut échapper au fait d’être, pour le Bouddha, chacun de nos actes expriment nos pouvoirs transcendantaux substantiels dans l’enfer, l’avidité, l’animalité etc…Ces pouvoirs autorisent en outre toute modification de forme, d’aspect, en fonction de la propension individuelle. Et alors le mouvement de l’ensemble phénoménal peut alors montrer les multiples naissances, dégénérescences et disparitions. Tels sont les « pouvoirs transcendantaux substantiels des trois mille phénomènes », dont l’axe est la Une pensée momentanée.
Jean-Claude : C’est nous alors.
Vu par l’éveillé. Les humains, eux, diront que la vie est dure !
Qui plus est le Souverain de la Loi précise : « Ce processus est lui-même permanent et indestructible ». Nous ne pouvons nous en extraire. Pour cette raison le Daishonin enseigne : « A présent, l’intention de Nichiren et des siens, s’ouvrant à l’éveil dès ce corps, est ce qu’on appelle les pouvoirs transcendantaux mystérieux et secrets de l’Ainsi Venant. Ce triple corps sans artifice peut être obtenu avec un seul mot : il s’agit du mot foi ». Alors que notre corps, l’environnement et notre Une pensée s’imposent depuis le sans origine, seul croire, puisque la Une pensée est la rétribution principale de nos actes, fait pénétrer le monde de l’éveil en notre coeur. C’est alors la merveille de la cause originelle de l’identité du monde du Bouddha et des neuf mondes. Ensuite, réciter Nam Myoho Renge Kyo, qui est la merveille de l’effet originel, est alors l’identité des neuf mondes et du monde de l’éveil.
Le Souverain de la Loi déclare, à propos de ce processus permanent et indestructible du monde des phénomènes : « C’est dans sa substance que les significations, dont est doté le fait de recevoir et de garder la Loi merveilleuse, Myoho Renge Kyo, constituent les pouvoirs divins du triple corps sans artifice ». Recevoir et garder, qui constituent la foi, permet donc l’apparition des trois corps du Bouddha en le corps de l’être ordinaire au niveau de dénomination. Dans une existence que nous pourrions considérer être polluée par toutes sortes de pensées triviales, écrasée par le poids des erreurs, étriquée par le manque de moyens, recevoir et garder la substance de l’éveil, Myoho Renge Kyo, fait apparaître immanquablement ses fonctions. Cette réalité merveilleuse relève des pouvoirs de la Loi et du Bouddha, et nous, de notre côté, possédons le pouvoir de croire et de pratiquer.
« Constatant l’aspect mutable du monde des phénomènes, qui apparaissent, demeurent, se modifient et disparaissent, l’homme ordinaire s’attache uniquement à l’aspect superficiel de ces phénomènes. Aussi, ne peut il voir l’aspect permanent du Bouddha » déclare le Souverain de la Loi. Or, non seulement l’être ordinaire que nous sommes ne voit pas la permanence du Bouddha, mais il ne voit pas non plus la permanence de l’infinité des phénomènes. Tout ce qu’il fait, en général, c’est se réjouir ou souffrir d’une apparition ou d’une disparition. Or, il n’est pas. Nietzsche a écrit : « Dans le temps infini et dans l’espace infini il n’y a pas de fin : ce qui est là est là éternellement, sous quelque forme que ce soit… Tout reste comme c’est : toutes les qualités trahissent un état des choses indéfinissable, absolu ». C’est cela même. De la non vision de la pérennité des phénomènes découlent d’innombrables souffrances inutiles.
Brigitte : En tant qu’humain c’est inévitable.
Oui. Mais nous avons la chance d’avoir rencontré la Loi et de pouvoir la pratiquer. A un moment, croire devient voir.
Dans le commentaire d’un texte du bouddhisme ancien nous lisons : « Les bienheureux ont adopté le monde entier comme étant leur propre moi ». Telle est la vastitude de l’éveil, où le véritable moi est, et entraîne une infinité d’êtres. Ensuite : « Il faut opérer une identification entre soi et ce qui n’est pas soi, ou intervertir soi et autrui » c’est un bon moyen, nous dit-il, c’est un facteur d’énergie. Nous lisons encore : « Il ne faut pas se décourager en se disant : « comment pourrais-je obtenir l’éveil ? », puisque, le Bouddha l’a dit : « Ils furent des taons, ils furent des moustiques, ils furent des mouches, des vers, ceux qui par leur effort ont obtenu l’éveil difficile à atteindre ». Cela signifie que, lors de notre pratique quotidienne, les divers états que nous ressentons peuvent couvrir tout ce qui est. Le Daishonin a déclaré, en effet, que l’observation de son propre cœur consiste à voir en soi les dix mondes. Toutes les existences peuvent êtres alors perçues comme étant la notre. Nous disions tout à l’heure que certains pratiquants des temps anciens pouvaient entendre les voix des êtres peuplant leur corps. Dès lors le « moi », « moi », égotique et permanent qui nous est habituel masque une infinité bien réelle, et seul l’abandon de ce moi lors de la pratique permet de nous ouvrir au fait que nous ne sommes constitués que de terre, d’eau, de feu, de vent et d’espace. Exactement comme tout le reste de l’existant. Pour cette raison, le Daishonin enseigne que garder le sutra du Lotus, c’est rejeter son corps et sa vie. C’est-à-dire que garder jour après jour la pratique permet de rejeter l’attachement à des choses qui s’imposent de fait, et dont nous ne sommes pas maître, au profit de l’apparition du corps du Bouddha. Le lieu de la pratique devient alors simultanément le lieu du courage et le lieu de la bienveillance vis-à-vis de l’infinité des êtres.
Jean-Claude : Seulement en pratiquant ?
Oui. Ce sont là les moyens habiles et merveilleux du Bouddha. Son état est son comportement, son comportement est la pratique de Myoho Renge Kyo. Pratiquants Myoho Renge Kyo nous héritons de son comportement et, au fur et à mesure, de son état.
Le commentaire que nous évoquions dit également, à propos de l’ascèse que constitue la pratique de la voie : « Ce qui est grave c’est d’être coupé, fendu, brûlé, lacéré pendant d’innombrables millions de kalpa, sans obtenir l’éveil. Par contre, ce qui est insignifiant, c’est cette douleur limitée qui procure l’éveil ». L’ascèse de la pratique de la voie est une douleur bien insignifiante, au regard de notre obtention de l’éveil avec tous ceux, en nombre infini, qui nous sont proches. Ce qui est grave, par contre, ce sont les souffrances infinies et répétitives des êtres des six voies dont le Daishonin dira : « Jusqu’à ce jour, vous avez toujours souffert en vain ».
Dans son traité : « Aspect réel/multiples phénomènes », le Daishonin écrit : « Même les deux Bouddha Shakyamuni et Taho sont des Bouddha de fonction. Seul Myoho Renge Kyo est le Bouddha originel. C’est ce que le sutra explique par « Les pouvoirs transcendantaux secrets de l’Ainsi Venant ». Il poursuit de la façon suivante : « L’être ordinaire est le triple corps du Bouddha en tant que substance, et est donc le Bouddha originel. Par contre, le Bouddha est la fonction du triple corps, et donc le Bouddha transitoire ». L’être ordinaire, tel quel, est donc, selon notre école, identique à l’ultime au degré de dénomination. L’être ordinaire est le Bouddha originel en cela que sa substance est la simultanéité de la cause et de l’effet. Il est le triple corps du Bouddha en tant que substance, le Bouddha étant, en terme de fonction, un bouddha transitoire. Cela signifie que les aspects divers des Bouddha, et de leur enseignements, n’épuisent en rien la substance du Bouddha originel : Myoho Renge Kyo, qui en est la matrice. Le Daishonin enseigne également : « Le passé infini n’est pas mis en œuvre, ni restauré. Il signifie tel qu’à l’origine. Comme il est le triple corps sans artifice, il n’a pas de commencement. Il ne se meut pas. Il n’est pas doté des trente deux aspects, ni des quatre vingt signes distinctifs. Il n’est pas restauré. Comme il est le Bouddha présent à l’origine et demeurant en permanence, il est tel qu’à l’origine. C’est ce que l’on nomme le passé infini. Le passé infini est Nam Myoho Renge Kyo ». Il s’agit là d’une description profonde de l’aspect réel de tous les phénomènes, qui sont à l’origine et en permanence. Il enseigne encore : « Le passé infini est l’originel, le présent est l’éphémère ». Le présent est le lieu de l’interaction du corps et de l’environnement, qui sont non-deux, et qui apparaissent en terme d’effet. La pensée en sourde, tardive. Le présent de l’objet de la conscience est donc nécessairement le passé immédiat de notre éphémère réalité. En outre, l’objet est en réalité la conscience, c’est-à-dire qu’il ne font qu’un : la Une pensée. Le passé infini, Myoho Renge Kyo, est donc l’originel, il est la source potentielle permanente et unique de notre obtention de l’éveil ultime en terme d’effet. Il nous faut nous éveiller dans les plus brefs délais au fait que notre réalité profonde ne se situe pas dans le temps. Le passé infini est notre origine, nous en sommes riches de tous les possibles. Schopenhauer affirmait à juste titre : « Le noyau de notre être n’est pas dans le temps ».
Le Daishonin enseigne : « Les cinq éléments ( la terre, l’eau, le feu, le vent et l’espace ) du monde des phénomènes sont les cinq éléments du corps unique… Le monde des phénomènes est Nichiren, Nichiren est le monde des phénomènes. Son degré est la merveille sans transformation, fleur de Lotus substantifique de l’éveil dès ce corps du Bouddha originel sans artifices, Myoho Renge Kyo, de la simultanéité de la cause et de l’effet ». Tous les êtres, dans leur degré actuel, dans leur degré présent, sont la merveille sans transformation. Là même où nous allons pouvoir penser que nous ne sommes pas assez ceci, ou déjà trop cela, le Daishonin nous enseigne qu’il s’agit de la merveille sans transformation. Car nous serons toujours dans la situation de nous ressentir, « raisonnablement », bien loin de l’éveil, alors même que l’infinité que nous sommes en est la substance. Il n’y a donc pas à se transformer pour exprimer l’éveil dès ce corps en terme d’effet : Nam Myoho Renge Kyo. « Les cinq éléments… sont les cinq éléments du corps unique », car tout ce qui est désigné par le terme « Un » est en réalité multiple, composé. Tout phénomène n’est que l’agencement provisoire de ces éléments, en tant qu’il est la fusion des dix mondes dans les dix mondes, et il y a donc égalité absolue des multiples phénomènes les uns vis-à-vis des autres. Ceci, la discrimination usuelle n’y atteint pas, elle n’est donc aucunement habilitée à juger de quoi que ce soit. Surtout quant à l’obtention de l’éveil dès ce corps. « Si mes disciples ouvrent les yeux sur le chapitre Durée de la vie, ils réalisent que les dix mondes sont à l’origine » enseigne t-il encore. Cela signifie que le temps et l’espace naissent continuellement de l’état du sujet, que celui-ci est le lieu de la fusion des dix mondes dans les dix mondes, et qu’il est à l’origine. Le Daishonin enseigne en effet : « La pratique qu’effectue à présent Nichiren ne diffère en rien de l’attitude au degré de dénomination dans le passé infini ».
Nancy : Quand je pense aux monothéismes…
Brigitte : Les pôvres..
A propos de « Le passé infini est l’originel, le présent est l’éphémère », le Daishonin poursuit : « Nichiren, présent en permanence dans les trois phases, fait naître le bienfait au degré de dénomination ». Cela signifie que le nom donné par le bouddha originel à son propre état, Myoho Renge Kyo, est tel quel la substance de l’éveil ultime en terme d’effet. Nous le donnant, nous pouvons ainsi, nous-mêmes, en le récitant grâce à la croyance, attester de l’effet de l’éveil au sein des six voies. Le Souverain de la Loi précise : « Ces phrases établissent l’identité du passé infini et de notre époque, de notre époque et du passé infini ». Myoho Renge Kyo est donc le passé infini et « l’enseignement de Nichiren Daishonin, Bouddha originel de l’ensemencement, est permanent à travers les trois phases, c’est-à-dire qu’il existait dans le passé infini et, en même temps, apparaissait dans l’époque de la fin de la Loi », enseigne le Souverain de la Loi. Cela, évidemment, n’entre pas dans le cadre étroit de notre logique usuelle qui s’appuie instinctivement sur l’existence du passé, du présent et du futur. Mais, pratiquants, nous pouvons faire confiance au Daishonin qui écrit : « Bien que le passé, le présent et le futur soient trois, lorsqu’on les considère selon le principe inhérent au cœur de la Une pensée, ils sont alors sans pensées discriminatoires », ou, en d’autres termes : « Namu Myoho Renge Kyo est la Une pensée des trois phases ». L’instantanéité de l’existence est quelque chose que les humains ne peuvent facilement garder à l’esprit. Pourtant, cette instantanéité ouvre sur l’absolue pérennité de l’existant, et ce constat simple empêche la naissance de nombreux troubles. Héraclite d’Ephèse a déclaré : « Le savoir ne consiste qu’en une chose : connaître qu’une pensée gouverne toutes choses à travers tout ».
Quand le Daishonin déclare qu’il est le monde des dharma, des phénomènes en d’autres termes, il faut savoir q’un « phénomène, aussi insignifiant soit-il, contient l’intégralité des phénomènes ». Ainsi, tout existant contient l’intégralité des phénomènes. Telle était également la position d’Anaxagore qui affirme : « Nulle chose n’existe d’une manière totalement discriminée d’une autre chose, parce que toutes choses sont en toutes choses ». Mais lorsque le Daishonin, deux jours avant son entrée dans le nirvana déclare : « Lorsque je regarde l’étang, inconcevablement, le reflet de Nichiren est le grand mandala », cela signifie que le Dai Gohonzon de l’estrade des préceptes est le corps de Nichiren Daishonin. Il s’agit du Honzon de Myoho Renge Kyo, unicité de la personne et de la Loi, et : « du point de vue des prédispositions, c’est-à-dire des êtres, on ne peut voir l’origine du passé infini ailleurs que dans le Dai Gohonzon de l’estrade des préceptes. Tel est l’objet fondamental de vénération pour l’observation du cœur, dans notre école. Et le Daishonin précise : « La nature de Bouddha que possèdent tous les êtres est appelée Myoho Renge Kyo. Aussi, lorsqu’on récite une fois Myoho Renge Kyo, les natures de Bouddha de tous les êtres, ainsi conviées, se rassemblent ici. Alors, les trois corps, de la Loi, de rétribution et de communication, de la nature de la Loi, s’ouvrent tous en nous, se révèlent et apparaissent. C’est ce que l’on nomme devenir Bouddha ». Autrement dit, lorsque l’on pratique matin et soir, l’infinité momentanée qui nous caractérise à chaque instant est conviée, est rassemblée, est élevée à la qualité de l’acte que nous effectuons. Or, ceci est telle quelle, à notre insu, l’action du bodhisattva. Alors que, spontanément, nous avons commencé à pratiquer pour une raison ou pour une autre, en fonction des conditions de l’époque, avec une optique probablement limitée, nous nous retrouvons dans la situation d’agir, sans en avoir conscience, en exprimant physiquement la profonde bienveillance du Bouddha. Nous pratiquons donc, non pas dans le but d’obtenir ceci ou cela, car « pratiquer dans le but d’obtenir un résultat fait quitter la voie correcte », mais en faisant apparaître notre véritable nature. Ainsi pouvons nous nous éveiller à la « non dualité de l’ascèse et de la nature acquise ». L’instantanéité de l’existant, qui implique un corps unique et infini, fait que lors de la pratique nous agissons physiquement vis-à-vis d’une multitude. Ainsi, au sein des six voies, pollués par toutes sortes de pensées triviales, la bienveillance du Bouddha originel est telle qu’elle nous permet de participer à son action. Au début, rien n’est vraiment visible. Au fur et à mesure, par contre, à force de méditer les prières silencieuses par exemple, lorsque nous transférons les bienfaits de la pratique à nos défunts ou à l’infinité des êtres, des objets non perçus jusqu’à ce jour se dessinent. Cela n’empêche pas l’apparition des troubles, certes, mais la progression sur la voie se fait sentir, et cela est joie profonde.
Le Souverain de la Loi nous explique encore : « Toutes les existences présentes en ce monde se meuvent et fonctionnent en fonction de la voie, c’est-à-dire de l’enseignement.. Le sutra du Lotus enseigne qu’il existe une logique de la joie, de la peine, de l’élévation et du déclin, à laquelle toutes les existences du monde des phénomènes, celles qui sont visibles comme celles qui sont invisibles, sont soumises. Elle est invisible à nos yeux d’êtres ordinaires, mais aux yeux du Bouddha, toutes les significations des existences et des êtres en ce qui concerne l’intégralité des causes, des effets, de la souffrance et de la joie s’y rassemblent ». Cela signifie qu’au sein des six voies, de l’état d’enfer à celui de joie temporaire, tout se meut inconsciemment et désespérément vers la satisfaction, vers l’arrêt des souffrances, vers l’éveil ultime en d’autres termes. C’est la raison pour laquelle l’action du Bouddha est permanente dans les trois phases du temps. Dès lors, il va sans dire que notre pratique quotidienne participe de l’action du Bouddha envers l’infinité des êtres. Dans cette optique, entrer dans la voie correspond à retrouver sa nature originelle.
Ensuite : « L’immense principe du sutra du Lotus représente l’enseignement et la voie guidant l’ensemble du monde des phénomènes. Ainsi, le rassemblement de l’intégralité du monde des phénomènes exprime l’achèvement des êtres ». Cela signifie que l’instantanéité de l’existant est le rassemblement et l’achèvement de l’infinité des êtres. Cela est vrai dans tous les cas de figure, car Parménide affirme : « L’étant est tout entier plein d’étant, aussi est-il tout entier continu, car de l’étant touche à de l’étant… C’est pourquoi il est de règle que l’étant ne soit pas dépourvu d’achèvement ». Cependant, lorsque cette instantanéité est le lieu de la pratique de la voie, Myoho Renge Kyo, l’infinité phénoménale est alors élevée de part l’apparition de sa propre nature de Bouddha. Réciter Myoho Renge Kyo est donc l’apparition du corps du Bouddha en ce monde et, simultanément, l’expression d’une profonde reconnaissance envers tout ce qui est. C’est l’expression naturelle la plus haute de notre gratitude. Aussi, après l’extinction du Daishonin, Nikko Shonin disait de son rapport au Dai Gohonzon : « Déférence, comme de son vivant ». Il convient dès lors, malgré notre vue courte, que nous puissions exprimer une telle déférence lors de notre pratique.
Nous disions donc que l’instantanéité de l’existant est le rassemblement et l’achèvement de l’infinité des êtres. Il s’agit de la présence, conditionnelle, vacante, et absolue de tout ce qui est. « L’unité et la multiplicité sont mutuellement identiques au sein du temps et de l’espace » affirme le Souverain de la Loi. L’instant de la présence, c’est-à-dire la Une pensée, est dès lors le fruit d’une multiplicité. Si l’on pratique Nam Myoho Renge Kyo, et à cette seule condition, la Une pensée influe sur l’infinité. Cela ne peut « naturellement » se produire au sein des six voies, car tout y apparaît en tant qu’effet. Là se situe le fait d’être réellement vivant. Cela seul est respectable en ce monde. Le Souverain de la Loi nous enseigne : « Cela représente la fonction d’Une pensée permettant de correspondre avec le monde des phénomènes, sans limites ». Bien que nous ne percevions pas l’instantanéité de notre existence, ni celle de l’infinité phénoménale, bien que nous ne percevions pas ce à quoi nous sommes liés, et qui nous constitue, bien que nous ne percevions pas que nous sommes le passé infini, nous pouvons cependant entraîner à chaque instant l’infinité des êtres dans l’éveil. Cela est remarquable au plus haut point et dépasse en importance, sans conteste, tout autre type d’activité « humaine ».
Dans la « Transmission orale de la doctrine » le Daishonin enseigne, à propos des stances « jiga » du Lotus : « Ji est le début ; shin de soku joju busshin est la fin. Le début et la fin constituent jishin. Les caractères intermédiaires reçoivent et emploient. Dès lors, les stances jiga représentent le corps qui, de lui-même, reçoit et emploie. Ouvrant son corps comme étant le monde des phénomènes, le monde des phénomènes étant le corps qui, de lui-même reçoit et emploie, il ne peut se faire qu’il ne soit dans les stances jiga. Le corps qui de lui-même reçoit et emploie est Une pensée trois mille ». Prenant le premier terme des stances, « ji » qui signifie, depuis, soi-même, moi-même, lui-même, et le dernier, shin qui signifie, corps, le Daishonin forme jishin, c’est-à-dire moi-même, soi-même, depuis le corps, le corps lui-même. Autrement dit, le Daishonin, s’ouvrant à la réalité des stances « jiga », perçoit que le corps même du vénéré Shakya est représenté par les caractères. Représenter a pour sens de rendre présent, rendre sensible, mettre devant les yeux. En outre, le corps est toujours la « fin », puisqu’il est l’achèvement présent, tout en étant également le « début », puisque notre Une pensée en émerge à chaque instant. Que « Les caractères intermédiaires reçoivent et emploient » se conçoit dans la mesure où la simultanéité de la « fin » et du « début », c’est-à-dire la présence dans un environnement, emploie une infinité phénoménale qui est donc « reçue et employée ». De la même manière, nyoze so, l’aspect, constitue le début, et nyoze ho, la rétribution des actes, constitue la fin, l’ensemble étant en égalité absolue, les autres ainsi sont alors « reçus et employés ». A la différence, toutefois, que dans l’ignorance « recevoir et employer » est un effet, alors que dans l’éveil il y a utilisation en connaissance de cause. Et pourtant, tout état, tout phénomène, utilise bien l’architecture provisoire de la terre, de l’eau, du feu, du vent et de l’espace dans son « exister ».C’est la raison pour laquelle, « Ouvrant son corps comme étant le monde des phénomènes » désigne l’éveil, « le monde des phénomènes étant le corps qui, de lui-même reçoit et emploie » désigne l’accès de l’environnement au même état que le Bouddha, et « il ne peut se faire qu’il ne soit dans les stances jiga. » désigne l’utilisation que le Bouddha fait du corps et de l’esprit de l’infinité phénoménale. Autrement dit, la voix du Bouddha est l’éveil, et les caractères qui la transcrivent le sont également. Toute proportion gardée il en va de même, en général, pour tout les états, et chacun peut en effet ressentir une émotion ou une autre en lisant ou en écoutant ceci ou cela. Pourtant, le Bouddha ayant réalisé que l’intégralité phénoménale était son propre corps, lui seul peut architecturer la matière et l’esprit des phénomènes de façon à ce qu’ils représentent exhaustivement sa qualité intérieure. Les mots, les phénomènes en somme, en tant que structure phonétique provisoire, deviennent alors le corps du Bouddha. Ensuite nous lisons : « Le corps qui de lui-même reçoit et emploie est Une pensée trois mille ». « De lui-même » désigne l’absolue liberté de l’état d’éveil. « Une pensée trois mille » a pour sens, comme l’enseignait Nichikan Shonin : « Inclure et imprégner ». « Inclure » nomme la provenance de la une pensée, c’est-à-dire l’infinité phénoménale, et « imprégner » désigne son action, c’est-à-dire entraîner l’infinité phénoménale dans l’éveil. « Le corps », dans ce contexte, ouvre sur l’absolue pérennité de la présence au cours des trois phases.
Un corps, étant une architecture provisoire d’éléments hétérogènes, ne peut se distinguer, sur le principe, d’un autre corps, tous étant constitués des mêmes cinq éléments. Par contre, qualitativement, le bouddha distingue dix mondes, ou dix états. Or, ces dix mondes sont à l’origine. C’est la raison pour laquelle Miao Le affirme : « La forme, étant d’existence réelle, est dite non-destructible ; bien que l’on ne puisse la détruire, en raison de son impermanence, on dit que la forme est vacuité ». Dans cette phrase, l’expression « La forme, étant d’existence réelle » nomme la voie médiane où toute existence, étant la fusion de la vacuité, de la conditionnalité et de la médianité, est permanente. Le grand maître Dengyo écrit : « Une pensée trois mille est le corps qui de lui-même reçoit et emploie. Le corps qui de lui-même reçoit et emploie est le Bouddha hors de l’aspect vénérable. Le Bouddha hors de l’aspect vénérable est le triple corps sans artifice ». Le Daishonin, commentant cette citation déclare : « A présent, Nichiren et les siens qui récitent Nam Myoho Renge Kyo, sont ce Bouddha ». « Hors de l’aspect vénérable » signifie que l’éveil, contrairement à ce qu’avait montré le vénéré Shakya, n’est pas le fruit de l’accumulation des actes. Il n’est pas nécessaire de pratiquer vie après vie pendant des milliers d’éons pour obtenir l’éveil ultime. En effet, seule la superficialité de l’enseignement impose une durée dans la pratique. Dans l’enseignement du Bouddha Originel, Nam Myoho Renge Kyo est l’apparition immédiate, en terme d’effet, du corps du Bouddha. Dans notre école, en effet, le nom est la substance.
Brigitte : Mais, dans l’expression : « recevoir et garder » la Loi, garder induit une durée.
Certes. Mais c’est le prix pour obtenir l’éveil dès ce corps, dans cette vie, quels que soit notre point de départ, notre intelligence, nos actes passés, nos troubles. C’est pas cher payé. Ne pas rejeter est l’accès à l’éveil.
Jean-Claude : La Une pensée, elle n’a pas de durée.
Oui et non. Le lieu de la perception des objets est permanent. Bon ! Mais, en réalité, nul, si ce n’est le Bouddha, ne perçoit réellement les phénomènes. Donc nous ne percevons pas réellement des objets, mais nous percevons notre corps. Telle est la Une pensée momentanée, à l’ordinaire, c’est-à-dire hors la voie bouddhique. C’est pour cette raison, probablement, qu’Héraclite affirme : « Chaque jour, par sa nature même, se répète à l’identique ». Où que Parménide déclare : « Et le temps ne sera pas quelque chose en plus de l’étant ». Où que Démocrite proclame : « Il est impossible que toutes choses soient engendrées, puisqu’en effet le temps est inengendré ». La Une pensée est instantanée, certes, mais sa véritable ampleur ne se dessine que dans l’entrée dans la voie bouddhique. En dehors, elle ne peut que tourner dans le cycle sans fin des six voies.
Le Daishonin enseigne : « Ce qu’il convient de chanter sans cesse, en suivant véritablement la pratique parfaite, est Nam Myoho Renge Kyo. Ce qu’on doit garder dans notre cœur est la contemplation de la Loi de Une pensée trois mille. Telle est la pratique et la compréhension du sage. Il faut faire que les laïcs du Japon s’adonnent uniquement à la récitation de Nam Myoho Renge Kyo . Le nom possède la vertu d’aboutir immanquablement à la substance ». Que le nom soit la substance est propre au monde de l’Eveillé. Dans le monde des humains, cela n’existe pas. Nommer un objet n’aboutit pas à l’objet, n’est pas l’objet, c’est clair. Dans le monde du Bouddha : « Le comportement du sage se retrouve dans sa pratique ». Cela signifie que la sagesse est les actes, que les actes sont la sagesse et, dès lors, réciter Nam Myoho Renge Kyo, qui est le comportement du sage, correspond à acquérir sa sagesse. Quels que soient les troubles qui surviennent, le comportement consistant à garder la Loi et à la propager est notre part de la sagesse de l’éveillé. Tel est l’enseignement du Souverain de la merveille de la cause originelle.
Nous lisons, dans le sutra sur « La munificence des Eveillés » : « Le disque lunaire est sans intention aucune. Néanmoins, spontanément, sans pensée discursive, il apparaît de cette façon, en opérant selon ses qualités propres. De même, en fonction de leurs dispositions, les êtres voient les Ainsi Venants qui se tiennent devant eux. Néanmoins, les Ainsi Venants, sans intention aucune mais spontanément, sans pensée discursive, apparaissent de cette façon, oeuvrant avec les qualités exclusives d’un Eveillé ». Tout à l’heure nous disions que le Bouddha s’est éveillé au fait que tout est effet. Dans ce texte nous lisons que le disque lunaire est sans intention. Mais, étant sans intention il est, et il nous éclaire. Par exemple, dans un pays où le soleil est absent six mois, nul ne peut le suspecter de méchanceté sous prétexte que dans d’autres contrées il est là tous les jours de l’année. De la même manière, il n’est pas d’intention chez les êtres. Tout étant effet, rien n’a d’intention. Des événements se produisent, mais il n’y a pas d’acteurs. Ayant à faire avec une personne plongée dans l’avidité, par exemple, il conviendra de prendre des mesures, probablement, afin de s’en protéger. Certes. Pour autant, dans la mesure où cette personne est conditionnée de telle sorte qu’être autrement, ailleurs et un autre jour lui est impossible, il n’est pas nécessaire d’y rajouter une « intention » inexistante. Comme pour la lune, nul phénomène n’a la possibilité de choisir ce qui le constitue et s’impose. Nul phénomène ne peut se placer hors de la causalité, en étant libre de toute détermination. Cela n’existe pas. L’intention est un état momentané et non un acte libre. Tout ce qui est, c’est-à-dire les dix mondes, est absolument sans intention. Par contre, la phrase : « Les Ainsi Venants, sans intention aucune mais spontanément, sans pensée discursive.. » exprime le fait que les Eveillés apparaissent devant les yeux des êtres ayant en eux les prédispositions nécessaires. Dans les textes de la « « Perfection de sagesse » nous lisons : « Cette assemblée n’a pas été réunie par l’Ainsi Venant et il ne fait preuve d’aucun zèle à son égard. En raison de ses propres racines de bien, entendant mon nom, elle s’est réunie. L’Ainsi Venant ne l’a pas convoquée, ne l’a pas appelée, elle s’est rassemblée incitée par ses propres racines de bien. Que de tels grands êtres se soient rencontrés pour l’enseignement d’une telle doctrine, cela est dans la nature des choses ».
Dans le sutra du Lotus, le vénéré Shakya enseigne : « Je laisse ici ce bon remède, ne craignez pas de le prendre ». Le Daishonin commente, à propos de « ce bon remède » : « Cela se rapporte au quintuple sens obscur ». Le quintuple sens obscur est une définition que Zhiyi a donné, pour qualifier le sens profond du sutra du Lotus. Le quintuple sens obscur est le nom, la substance, l’intention, l’application et les enseignements. « Toute chose possède un nom qui permet de définir, de traduire sa condition. En ce qui nous concerne, il s’agit du principe véritable, fondement, essence de toutes les choses, auquel le Bouddha s’est éveillé. Le nom de ce principe véritable est Myohorengekyo et, dès lors, l’intégralité des phénomènes en possède le sens. Quant à la substance, il s’agit de l’existence même de toute chose, de sa nature intrinsèque. Par l’énoncé du nom de la Loi merveilleuse, il est évident que la substance du principe véritable n’est pas autre chose que la substance de la loi de la merveille de la simultanéité de la cause et de l’effet. Le troisième sens, l’intention, désigne les actions constituant la base de toutes les causes entraînant des effets. De par la Loi merveilleuse, la cause et l’effet sont simultanés, phénomène se produisant lorsqu’on pratique la substance inconcevable. L’application désigne ensuite la fonction de chaque chose et de chaque phénomène. L’application de la Loi merveilleuse est la fonction de guider les êtres, celle-ci se manifeste à partir de l’état de vie ultime de la boddhéité. Enfin, les enseignements désignent les paroles que le saint prononce. Ce terme englobe toutes les éthiques, morales, philosophies et religions écloses depuis les origines de l’humanité », commente le Souverain de la Loi. Il est donc dit que : « l’intention, désigne les actions constituant la base de toutes les causes entraînant des effets » alors même que le cours a développé l’idée selon laquelle, tout apparaissant en tant qu’effet, rien ne peut être réellement « cause », et donc qu’il n’est pas d’intention, à strictement parler. Dans ce cas, par contre, l’intention évoquée est l’état même du Bouddha. Dès lors, pour tout ce qui est, l’état momentané est bel et bien « les actions constituant la base de toutes les causes entraînant des effets », mais, encore une fois, l’état momentané n’est pas une cause, mais un effet. Pourtant, « De par la Loi merveilleuse, la cause et l’effet sont simultanés » et cela signifie que, récitant Myohorengekyo, qui est l’effet de l’éveil, nous partons ainsi de l’effet de l’éveil alors même que nous n’en possédons pas la cause. Produisant l’effet de l’éveil au sein des troubles nous allons donc de l’effet à la cause, et non l’inverse, et ceci est un phénomène unique « se produisant lorsqu’on pratique la substance inconcevable ». C’est la raison pour laquelle il est dit que cette fonction de guider les êtres « se manifeste à partir de l’état de vie ultime de la boddhéité ». Toutes les existences, tous les phénomènes, sont la cause et l’effet simultanés. Myohorengekyo est également la simultanéité de la cause et de l’effet, mais cette fois dans l’éveil. C’est la « substance inconcevable » évoquée par le Souverain de la Loi. Cette « intention » particulière et unique, expression de l’infinie bienveillance du bouddha, est son propre état. Réciter Nam Myoho Renge Kyo, qui a le sens d’appliquer, nous guide à partir de l’état de vie ultime de la boddhéité. « Le Daimoku (Myohorengekyo ), pratique réelle et attestation vécue, correspond au sens obscur de l’intention » dit le Souverain de la Loi. Cela est obscur dans la mesure où le Bouddha Originel laisse sa propre attestation intérieure, son état, en terme d’effet, en terme de forme sonore, et cela nul ne peut le voir. Seulement dans notre école : « Le nom possède des vertus qui, immanquablement, touche à la substance » enseigne le Daishonin.
« Les cinq caractères de Myohorengekyo ne sont pas les phrases du sutra, ils n’en sont pas non plus le sens, ils en sont uniquement le cœur » enseigne t-il encore. Les mots sont exclus, le sens, que les humains veulent bien attribuer aux mots qu’ils emploient, est également exclus, seule reste l’intention, le cœur, l’état, c’est-à-dire ce d’où proviennent tous les mots et tous les sens dans les dix mondes. Nous lisons, dans le « Traité sur l’accomplissement de la vérité » : « Venant en suivant la voie de la vérité, telle quelle, il réalise l’éveil véritable. C’est pourquoi on l’appelle l’Ainsi Venant ». Zhiyi, dans son commentaire, enseigne que lorsque « l’objet (kyo) et la sagesse (chi) s’harmonisent, la cause et l’effet naissent ». En d’autres termes, tant que la sagesse de l’humain ne s’harmonise pas avec l’objet, ou le principe, c’est-à-dire avec la substance de l’infinité phénoménale, il ne peut y avoir réellement de « causes » et d’« effets ». Il n’y a donc pas de causes et d’effets, à strictement parler, dans le monde des humains. En effet, dans un monde où tout apparaît en terme d’effet, où tout étant est le passé infini, à l’origine, les logiques linéaires sont nécessairement inefficaces, dérisoires. Myoho Renge Kyo est la merveille de la simultanéité de la cause originelle et de l’effet originel. Myoho Renge Kyo est la substance de l’infinité phénoménale, c’est-à-dire l’objet, et la sagesse est Namu, qui signifie retourner, consacrer sa vie. Dès lors, réciter Nam Myoho Renge Kyo est notre seule sagesse.
Je vous remercie de votre attention.